3 biographies à lire cet été


Le biopic est en plein essor en ce moment : la môme, Gainsbourg, Mesrine, Sagan, les Doors,… On peut toujours crier au manque d’imagination ou au voyeurisme, les faits sont là, et les salles obscures ne désemplissent pas. Mais cette tendance s’observe avant tout dans les librairies. Plusieurs auteurs se sont essayé au genre cette année, et j’ai eu l’occasion de lire quelques-uns de ces titres. Voici ma sélection.

Le temps des possibles de Suze Rotolo

Vous connaissez forcément cette photo. C’est celle qui orne The Freewheelin’, le second album de Bob Dylan, quand il avait encore sa bouille de poupon et qu’on l’avait élu d’office chef de file des protest singers. La demoiselle qui lui tient le bras est donc Suze Rotolo, auteur de ce livre et ex-petit-amie du chanteur. En 1961. elle rencontre Dylan dans Greenwich Village et partage avec lui la période charnière où, de « simple » chanteur folk, il devient l’icône d’une génération. Plongée dans l’ambiance du Greenwich Village d’alors : on suit avec elle les premiers pas de Dylan sur scène. C’est d’ailleurs elle qui lui aurait inspiré Don’t think twice it’s alright lorsqu’elle partit étudier en Italie.

Avant toute chose, je vous rassure : il ne s’agit pas vraiment d’une biographie du musicien, vu par sa groupie de copine (thème déjà éclusé par le temps). Je me serais probablement très vite ennuyée si tel avait été le cas. Je suis et serai probablement toujours une fervente admiratrice de Bob Dylan, il fait partie des musiciens dont je ne me lasse pas. Cela dit, j’ai lu en diagonale les passages qui le concernaient pour me concentrer sur les morceaux de vie racontés par Suze Rotolo.

Suze Rotolo grandit donc dans le Queens, à New York, dans une famille d’ouvriers communistes italiens, durant les années 50 et 60. Les années de la Guerre Froide, de la chasse aux sorcières de Mc Carthy contre le communisme, de la ségrégation dans les états du sud.  Elle raconte cette ambiance particulière dans laquelle elle a grandi : sa famille, ses origines, les difficultés rencontrées dans la vie de tous les jours, lorsqu’on est fiché comme coco, la musique folk, les civil rights,  ses interrogations sur sa condition de femme, à un moment où le féminisme est à peine naissant. Très engagée politiquement, elle assiste aux sit in, distribue des tracts contre la ségrégation, participe aux manifs… et finit par se sentir étouffée par la personnalité de Bob. Inévitablement, la rupture s’impose. Suze fera sa vie sans lui. Elle est aujourd’hui artiste et enseigne dans une école d’art de New York.

Si vous cherchez simplement à en savoir plus sur Bob Dylan, passez votre chemin. Je vous conseille plutôt de lire les Chroniques vol. I du chanteur ou de jeter un œil à No direction home de Scorcese. Si, cependant, vous cherchez à en savoir plus sur les années mouvementées des sixties, à savoir l’ambiance dans laquelle ont pu vivre les membres du parti communiste à NYC durant les années Mc Carthy, ou tout simplement un regard nouveau sur Dylan (ça fait quoi d’être la « copine de »?), jetez vous sur Le temps des possibles.

Hunter S. Thompson : Journaliste & hors-la-loi de William McKeen

Là aussi, tout le monde sait qui est Hunter S. Thompson, du moins dans les grandes lignes. Auteur de, notamment, Hell’s Angels, de Fear and Loathing in Las Vegas et chef de file du style gonzo, aujourd’hui revendiqué par tout un tas de gratte-papier et qui a perdu pas mal de sa substance.

Autant l’annoncer directement : HST était un foutu casse pied, un petit con charismatique rencontrant pas mal de problèmes avec toute figure représentant l’autorité. Pour preuve, il se bastonne régulièrement avec ses camarades, se retrouve en zonzon pour menace de viol, abandonne sa femme pour partir en reportage alors qu’elle vient de faire une fausse couche, truffe ses lettres de « motivation » d’insultes en tout genre et envoie des lettres gratinées aux gens de « la profession », contenant aussi leur lot d’insultes et de menaces. Mais il semble que tout lui est pardonné – par l’auteur du livre en premier – : HST est tellement charismatique que ses admirateurs finissent toujours par l’absoudre. Il faut avouer que Thompson est aussi, et surtout, un homme cultivé, passionné de littérature.

On découvre dans ce livre une facette peu connue du journaliste. On pense souvent à lui comme le type qui a passé un an avec les Hell’s Angels, avant de se faire  tabasser à mort[1] ou qui écrivit un bouquin halluciné alors qu’il était supposé couvrir une course de voiture dans le désert (Fear and Loathing in Las Vegas ). Mais Thompson était un homme très intéressé par son époque, affecté par les mouvements sociaux et politiques des 60’s/70’s. Pour preuve, son enquête sur Nixon, sur les émeutes raciales de Los Angeles, sa réaction lors de l’assassinat de Kennedy (qui refit écho en lui lors des attentats du 11 septembre 2001)… Passionné d’écriture, il passait des nuits, des jours entiers à écrire, cherchant à devenir écrivain plus que journaliste. Et après le succès, l’ennui. La forme gonzo finit par lui peser, il mit en route plusieurs projets de livres, qui n’aboutiront jamais. Et se tira une balle dans la tête, le 20 février 2005.

William Mc Keen livre un récit détaillé, fourmillant de détails et d’anecdotes savoureuses. Entre les lignes, on devine son admiration quelque peu béate pour HST, mais qu’importe. Hunter S. Thomson, journaliste & hors là loi est une réussite. A lire.


[1] Thompson a entretenu la légende, il aurait été tabassé à mort par les Hell’s Angels. En fait il s’est juste pris une bonne volée, selon les témoignages recueillis par William Mc Keen.

Comment je n’ai pas rencontré Britney Spears d’Élise Costa


Ça y est, My craque, elle nous parle de Britney…

N’appelez pas tout de suite l’asile, mon cerveau va très bien – du moins pas plus mal que d’habitude – merci.

Élise Costa est plus connue sous le pseudo d’Elixie, et pour son blog Fuck you Billy, où elle sévit depuis un moment déjà, de même que dans les pages de Madmoizelle, entre autres.  Elle écoute de la bonne musique, porte de jolis vernis à ongles, et à un (gros) faible pour Britney.

Comme le premier bouquin dont je vous ai parlé dans cette chronique, Comment je n’ai pas rencontré Britney Spears ne se contente pas d’étaler la vie de la star linéairement. Ce serait franchement barbant et, là aussi, j’aurai passé mon chemin si tel avait été le cas. Il s’agit plutôt du récit du road-trip d’Élise aux États-Unis, sur les lieux de passage de Britney. De Louisville, sa ville natale,  à LA. Tout ceci truffé de digressions, sur la culture pop et les teen movies. Mais, avant tout, Élise cherche à comprendre pourquoi elle a continué à écouter Britney.

« Ecouter Britney, comme manger une tartine de Nutella, reste quoiqu’il arrive une bonne initiative, jamais décevante. Et ceux qui trouvent ça écoeurant ne font qu’admettre qu’ils en ont abusé par le passé. » (p. 15 de Comment je n’ai pas rencontré Britney Spears)

Il y a un certain snobisme dans le fait de dénigrer la musique pop. Je ne suis moi-même pas particulièrement fan de Britney Spears (je me souviens avoir écrit quelque par sur Mandorine que Womanizer a tendance à me rendre épileptique) mais j’ai un peu l’impression que, en un sens, Britney est la dernière punk. Faut être sacrément no future pour s’infliger des trucs pareils. Bref. En soi, le personnage est intéressant, car représentatif d’une époque. Et c’est ce qu’Élise décrypte dans son livre. Ses débuts de lolita sans histoires, petit modèle parfait d’une Amérique puritaine en recherche de modèles pour ses enfants, sont d’ailleurs parfaitement représentatifs de l’hypocrisie générale qui règne dans le monde du spectacle. Ce n’est pas la chanteuse en elle-même qui intéresse l’industrie Disney et Jive Records (sa maison de disque), mais ce qu’elle représente : une jeune fille sage, prônant la virginité jusqu’au mariage et chantant de jolies chansons d’amour pour adolescentes en fleurs.

Sauf que la lolita a grandi, a commencé à ne plus vraiment ressembler au personnage qu’on avait créé pour elle et a fini par carrément craquer. Ses frasques ont été étalées un peu partout dans les médias : mariage express, exhibitionnisme, alcool, rasage de crâne, perte de la garde ses gosses… Sa vie est un vrai drama.

Alors, pourquoi a-t-elle encore des fans? Sa musique n’est pas particulièrement révolutionnaire et elle chante en play-back lors de ses concerts, pas vraiment de quoi être admiratif. La réponse d’Élise est la suivante : c’est un personnage attachant.

On sera ou pas convaincu par les arguments donnés dans ce livre concernant le pourquoi de l’aura de la star. Mais Élise nous propose bien plus qu’un livre de fan. Elle propose une réelle réflexion sur Britney Spears et sur la pop culture en général. Comment je n’ai pas rencontré Britney Spears se lit comme un bon roman, c’est un livre rafraichissant et qui donne à réfléchir.

Et vous vous allez emmener quoi cet été pour bouquiner?