Les mondes d’Aldébaran


Léo, dessinateur, scénariste et coloriste, est originaire du Brésil, né à Rio de Janeiro. Il y a vécu une bonne partie de sa vie, jusqu’au jour où il décide de fuir son pays en raison de la dictature militaire. C’est en France qu’il émigre et commence sa carrière dans la bande-dessinée, au début des années 80. Aldébaran, son premier projet d’auteur, sort en 1993. Léo nous emmène dans une « épopée humaniste et fantastique », au travers d’une série (deux cycles terminés actuellement, un troisième en cours) évoquant les efforts de l’humanité dans ses premières tentatives de colonisation de planètes lointaines.

Aldébaran est une planète colonisée il y a une centaine d’année dont les habitants n’ont plus aucun contact avec leur planète d’origine, la Terre. Dans un petit village côtier, des phénomènes étranges liés à la mer surviennent depuis peu. Malgré les recommandations non suivies d’un inconnu, prévenant d’un danger imminent, la catastrophe a lieu et tout le village est englouti par la mer qui se transforme alors en matière gélatineuse. Seuls quelques résidents, Kim, sa sœur Nellie et Marc, accompagnés d’une jeune journaliste venant enquêter sur l’inconnu, s’en sortent indemnes.

Marc, accompagné clandestinement de Kim, prend la décision de rejoindre Anatolie, la capitale, par ses propres moyens. S’en suit une aventure semée d’embuches et de découvertes plus passionnantes les unes que les autres.

Ce cycle premier des mondes d’Aldébaran, constitué de 5 volumes, offre une véritable suite d’événements surprenants et fantastiques. La psychologie variée des nombreux personnages est intéressante, chacun ayant des traits de caractères bien marqués et détaillés. On apprécie l’évolution esthétique et comportementale des deux adolescents en pleine crise, Kim et Marc. Cette évolution marque une véritable force dans la BD. On suit les deux personnages avec attention, la découverte de leur sexualité : Kim découvre l’évolution de son corps, Marc perd sa virginité. Ils évoluent très vite en raison des diverses rencontres et des épreuves qu’ils affrontent. À la fin du cycle, ce sont de véritables adultes. Tout ce mélange, l’histoire prenante, nous donne envie de dévorer tous les tomes d’un seul trait. Al­dé­ba­ran propose une brochette de personnages : on ne sait jamais lequel d’entre eux va surgir et à quel moment. Au début de l’aventure, il est impossible de prédire lequel d’entre eux aura une influence plus dé­ter­mi­nante que l’autre dans le récit.

L’histoire personnelle de Léo est mise en avant : Aldébaran est dirigé par une force tyrannique et militaire, liée à une religion non sans ressemblance à ce qu’a vécu l’auteur lorsqu’il était au Brésil. Les thèmes de la politique et des libertés reviennent régulièrement, sans doute afin de montrer l’absurdité de l’homme qui, bien qu’il ait une nouvelle chance de reconstruire un idéal, et de pouvoir vivre en harmonie, repart dans les travers que l’on peut observer aujourd’hui. Vers la fin de l’aventure, Kim déclare, dans une tirade qui n’est pas sans rappeler les paroles proférées par Chaplin dans Le dictateur : « Je crois que la race humaine porte en elle une tare… Nous sommes si peu nombreux sur cette planète, nous pourrions vivre ici heureux et en paix : mais non, la violence et l’oppression sont présentes partout »

Sans la Mantrisse, l’aspect science-fiction du récit serait absent. Le fait d’intégrer ce phénomène étrange et attirant qu’est la Mantrisse, puis de découvrir la faune et la flore d’Aldébaran directement sorties de l’imagination de Léo permet à cette BD de faire partie intégrante du monde de la SF. On veut savoir le pourquoi, le comment sur le phénomène. Léo donne les réponses au fil des tomes, avec des rebondissements permanent. Il plonge le lecteur dans l’histoire qui n’a dès lors qu’une seule envie, y participer.

Les dessins, quand à eux, peuvent surprendre. Avec des planches austères au début, on peut avoir une petite appréhension, les personnages et les images sont figées, aucune impression d’animation, mais Léo, dans toute sa splendeur, arrive à affiner le dessin au fil des tomes. D’ailleurs, cela donne un charme supplémentaire à la BD et on oublie vite ces imperfections.

Aldébaran de Léo
Publié chez Dargaud
Cycle 1, 5 tomes
Prix éditeur : 10€40 le tome.
Une intégrale du cycle 1, réunissant les 5 tomes, existe également au prix éditeur de 33€