Broadchurch revient parmi les siens


Lundi dernier, notre cher service public pas en grève (France 2, donc) nous a proposé de mirer, ébahis, quelques semaines à peine après sa diffusion dans les contrées Grand-Bretonnes, la saison 2 de Broadchurch. Joie, amour, célérité, enfin nos chaînes comprennent l’importance de la course à contre torrent, nous prennent dans le sens du spoil, et font l’effort d’importer rapidement une série. Mais revenons à nos moutons pour nous intéresser à cette seconde itération des aventures des inspecteurs Miller et Hardy.

Cher lecteur qui découvre peut-être la série, je préviens aussitôt : je vais tenter la gageure de proposer quelques paragraphes garantis 100% sans effeuillage d’intrigue de la précédente saison (même si vous êtes terriblement coupable de ne pas l’avoir visionné). Pour les autres, les subtiles allusions que je laisserai ça et là sauront je l’espère, vous mettre en appétit.

 

A l’aise sur la falaise

Broadchurch, c’est donc une série britannique (et vous savez fidèles lecteurs à quel point nous en sommes friands) narrant les aventures de deux détectives qui, comme le veulent souvent les canons du genre, sont un peu losers et franchement antagonistes. Interprétés avec brio par David Tennant (un des Docteur Who, jouant le rôle d’Alec Hardy) et Olivia Coleman (Ellie Miller), ils vont devoir enquêter sur le meurtre mystérieux de Daniel Latimer, un jeune garçon sans histoires, trouvé au pied d’une falaise d’un village sans histoires, au bord de l’Océan (sans histoires aussi tant qu’on y est).

Tout le sel de l’enquête, qui semble classique au premier abord, est de jouer au maximum avec les codes du whodunit dans ce microcosme qu’est cette version miniature de la société anglaise. Et on peut dire que ça fonctionne plutôt bien, avec une troupe d’acteurs excellents, et huit épisodes ou le vent de la culpabilité vient caresser tour à tour tous les personnages, de la famille brisée par le drame au pasteur, en passant par l’hôtelière ou la marginale du coin, qui semblent avoir, sous le vernis d’une communauté aussi lisse qu’une crème anglaise, une collection de cachotteries à en faire muer de surprise la Voix de Secret Story. Le tout est porté par une réalisation vraiment belle, et avec un parti pris aussi esthétique que surprenant : le soleil. En effet, pas un seul plan des deux saisons à ce jour n’échappe à une douce mise en lumière estivale, avec des tons chauds dignes des meilleurs métrages en Kodachrome tournés en désert californien.

BROADCHURCH

 

Broadchurch 2

Certes, mais que vaut donc cette seconde itération ? Le syndrome de « la première saison, c’est quand même vachement mieux » va-t-il frapper, après ce qui semblait être un one shot ? Non, car les astucieux scénaristes avaient tout prévu, les coquins. En effet, ce qui semblait être un détail de l’histoire pour donner de l’épaisseur au personnage est devenu l’un des axes principaux de la trame narrative. L’obsession de l’entêté écossais Alec Hardy pour une enquête passée, où deux jeunes filles avaient trouvé la mort et le coupable avait été innocenté, et qui lui avait valu la rétrogradation à Broadchurch, va donc devenir le cœur de cette suite. Oui, nous allons savoir ce qui s’est passé à Sandbrook. Mais avant cela nos deux héros auront souffert, physiquement pour Hardy avec son cœur fragile, et moralement pour Miller avec un rebondissement de taille qui va dérouter Broadchurch (et ses spectateurs) vers le genre « série judiciaire ».

 

Boxes et perruques

Pourquoi ? Parce que notre coupable de la saison précédente, que tout le monde sait coupable, police, habitants, nous, va contre toute attente plaider « non coupable », ouvrant les portes à un procès pénal avec jury, coups bas, plaidoiries enflammées sous perruques de lords et témoins surprise. Les secrets honteux et les non-dits ne dorment alors plus comme dans la première saison dans un confidentiel dossier de police, mais sont dévoilés en une des tabloïds et des médias de tous poils. Ce qui fait bien entendu la joie des avocats du défendant, aussi féroces qu’une bande de Ratels, utilisant ces précieuses révélations comme arme de persuasion massive. En face, la toujours très digne famille Latimer (mais, rassurez vous, ils onr eux aussi des petits secrets honteux), qui ne réalise pas ce cauchemar ubuesque qui semble lui être tombé dessus. Elle saura heureusement compter sur une avocate de choc, incarnée par la toujours très british (car oui, elle arrive même a être plus british que les autres, même dans une série anglaise) Charlotte Rampling, qui usera de sa ruse dans une joute verbale homérique avec son ancienne Padawan des parquets.

BROADCHURCHTout un programme donc, au cours de ces 8 épisodes seulement, mais rondement menés comme les anglais savent si bien le faire. Les deux intrigues, judiciaires et policières, se croisent de façon assez fluide au cœur de ce village décidément bien riches en secrets.

Broadchurch, c’est donc du soleil, de l’intensité dramatique, des virages de l’intrigue à 180 degrés, du bon jeu d’acteurs et un duo assez singulier d’antihéros qui pour l’instant semblent bien loin de tomber dans le syndrome Clair de lune. Vous rajoutez à cela une musique bien planante, qui met dans l’ambiance, venant du compositeur islandais Olafur Arnalds, vous obtenez un cocktail plutôt goûtu, croquant et gourmand, et valant le coup de rater la finale de Top chef (sans le gothique de l’édition, mais nous en reparlerons).

 
Bref, haro sur le replay de France 2 pour ne pas rater une miette de cette excellente série, en version originale de préférence.

Broadchurch, saison 2
En rediffusion actuellement sur le Pluzz de France 2

 
 
NB : Dans la folie qui s’empare de ce monde, la redondantopathie a encore frappé puisque nos camarades étasuniens ont déjà refait la première saison, un four visiblement puisque non reconduite. Ils ne sont pas les seuls puisque visiblement Canal Plus est sur le coup en France pour faire la même chose, toujours en version insulaire, mais version vrai soleil, fromages, charcuteries et clémentinese (en Corse, quoi). Autant dire qu’après Engrenages, entre autres, j’en attendais un peu plus d’eux…

A Broadchurch on sait aussi sourire - pour les photos promo

A Broadchurch on sait aussi sourire – pour les photos promo –.