Concert : Controlling crowds


Il y a quelques temps, je discutai avec un ami de mon désir d’assister aux concerts de groupes tels que Portishead, Sigur Rós ou Air. Il se demandait si, habitués aux concerts rock « traditionnels », nous ressentirions la musique avec autant d’intensité et d’émotion qu’à l’écoute de leurs albums ; si ces groupes parviennent à transcender, transformer même, leur musique sur scène. Pourquoi cette appréhension? Ces trois formations délivrent une musique atmosphérique, aérienne. Difficile dès lors de garder ce style tout en conservant une énergie prompte à tenir un public éveillé. Pour Sigur Rós, Air et Portishead, je ne peux pas dire, puisque je n’ai pas encore assisté à un de leurs concerts. Je peux cependant parler d’Archive, qui se produisait sur la scène de la Médoquine, le jeudi 1er octobre, à Talence. Je ne partais cependant pas en aveugle puisque j’avais assisté il y a quelques années de cela à un excellent showcase acoustique du collectif protéiforme.

archivecoverGroupe britannique à l’effectif et au style musical fluctuant, Archive oscille entre rock, électro et trip hop. Leur premier opus, Londinium, mêlant rap et trip hop très sombre, sort en 1996. Suit Take My Head (1999), beaucoup plus mélodique et aérien. En 2001, le groupe s’éloigne du trip hop et intègre Craig Walker, ex-chanteur du groupe punk irlandais Power Of Dreams. À son arrivée, le son du groupe change radicalement en faveur d’un rock psychédélique et progressif, plus sombre. You All Look the Same to Me (2002), Noise (2004) et l’album acoustique Unplugged (2004) naissent de cette collaboration. L’album Lights (2006) confirme l’incursion du groupe vers un son plus progressif, délaissant l’électro trip hop des premiers albums. En 2009, le collectif livre Controlling Crowds, qui marque le retour du rappeur Rosko John, ancien chanteur du groupe sur Londinium. C’est cet opus qu’Archive défendait à la Médoquine.

La soirée s’ouvre sur un duo rock qui, s’il a le mérite de garder le public éveillé et attentif, ne marque pas réellement les esprits. Certains passages sont cependant captivants et on est tenté de s’adonner au headbang. L’impatience générale est tangible, la salle ne se remplissant réellement que lors de l’entracte.

20H30. Le concert débute sur les premières notes du célébrissime Teardrop de Massive Attack. La filiation est claire et assumée, la foule ravie. Les accords se fondent rapidement dans Controlling crowds, première chanson de l’album éponyme. Les trois premiers titres de l’album s’enchaînent sans discontinuer. Lumières douces et écran diffusant des images psychédéliques : l’ambiance est posée, le public attentif. Remarque de ma voisine : « pour le moment c’est l’album dans l’ordre ». Le public est dans l’expectative. Vont-ils nous embarquer dans un trip moins métronome ? Oui et non. La majorité du concert s’est limitée à rigoureusement proposer les titres de leur dernier opus. Reste que leur musique est impeccable.

Aucun son abrasif – pourtant j’étais placée à gauche de la scène, sous une des enceintes géantes qui la surplombe -, aucune fausse note. Deux chanteurs charismatiques, un rappeur un peu effacé dernière cette grosse machine qu’est Archive (7 musiciens sur scène). À l’arrière du public, on croirait observer le public d’une performance : bras croisés, immobiles, scrutant la scène, contemplatifs. À l’avant, on ose un peu plus bouger tête et pieds, mais sans réussir à embarquer le reste de la foule avec soi. Dommage. Allez savoir si Pollard Berrier était sincère quand il a lâché plusieurs fois dans la soirée « You’re a fucking great audience« … La dernière partie du concert va heureusement réveiller les rêveurs. Les anciens titres surgissent, Again & Numb (tirés de You all look the same to me) en tête, accompagnés de guitares plus lourdes et de quelques mouvements de foule. Je n’irai pourtant pas jusqu’à la critique corrosive proposée par Sud-ouest. J’ai été très agréablement surprise par les performances vocales de Pollard Berrier et Dave Pen, que l’on ne distingue pas aussi puissantes sur l’album. Les charmes du live.

Archive propose un son aérien, transporte l’auditeur dans un autre monde, lui impose des mélodies entêtantes et flottantes. L’émotion s’impose peu à peu, les textes résonnent dans nos têtes, sortes de mantras électro. Personal responsability. La clef est peut-être là. De ne pas attendre d’Archive qu’ils vous embarquent dans une transe collective, mais dans une introspection toute personnelle.

Pour le bruit et la fureur, il y aura les singes arctiques, qui se produiront dans cette même Médoquine fin janvier.

ArchiveControlling crowds
Warner Music
Actuellement en tournée en France.

Les albums d’Archive sont disponibles chez tous les bons disquaires. Vous pouvez également vous faire votre idée sur leur Myspace. A noter que Placebo propose une reprise de Fuck you en face B du titre Ashtray heart, issu de leur dernier opus, Battle for the sun.