Episodes, les dessous des séries TV américaines


Dans le top 5 de mes séries préférées de tout les temps se trouve Friends. Vous vous souvenez bien de cette série ultra-populaire qui a squatté nos petits écrans pendant une dizaine d’années (et qu’il est de bon ton de dénigrer de nos jours, d’ailleurs) ? Et bien je continue de penser que c’est une des meilleures, si ce n’est la meilleure, sitcom qu’il ait existé – Malcolm in the middle & The big bang theory sont en bonne place également -. On prédit la mort du sitcom depuis bien des années déjà, mais il semble que le genre se renouvelle continuellement : How I met your mother a succédé à Friends, qui suivait elle-même Seinfeld, et la disparition annoncée des séries humoristiques ne semble pas se produire. Pour preuve, Episodes, la nouvelle venue très prometteuse des chaines Showtime (États-Unis) et BBC Two (Royaume-Uni) affiche à son casting… Matt LeBlanc, ex-Joey Tribbiani.

Une série qui raconte la création d’une série

Si vous êtes comme nous, vous vous êtes déjà très probablement demandé d’où sort cette manie qu’ont les états-uniens de faire des remakes de séries TV déjà disponibles dans leur langue originale. AbFab, The Office, Shameless, Skins, Misfits, pour ne citer qu’elles, ont été – ou seront bientôt, pour Misfits – adaptés spécialement pour le petit écran américain. On change les acteurs et un peu – ou beaucoup – le scénario, et on recommence. Manque d’inspiration? En tout cas, le concept est appliqué quasi-systématiquement aux séries qui fonctionnent hors-territoire US. Et sur le papier, on aurait pu craindre qu’Episode soit un mauvais spin-off de Friends : la série est produite par les producteurs de Friends, donc, et prend Matt LeBlanc pour personnage principal. C’était sans compter sur la capacité d’auto-dérision de producteurs américains. Episodes est une sitcom qui se moque allègrement des remakes US de séries TV, et plus globalement du système de production-diffusion des séries aux États-Unis.

Episodes met en scène un couple de showrunners britanniques qui se voient proposer par une des plus importantes chaînes américaines d’adapter leur série à succès pour la télévision US. Plutôt excités par cette idée, ils quittent la pluie et la discrétion de leur monde so british pour emménager à Los Angeles. Après s’être vus imposer quelques changements « mineurs » dans leur scénario, ils vont très rapidement se rendre compte que le monde de la télévision américaine est loin d’être idyllique…

Satire de la TV US

Le postulat de départ est assez simple : le couple british débarque à Hollywood et rencontre d’énormes difficultés à comprendre son fonctionnement. La série d’origine prend pour protagoniste un directeur de lycée privé select, joué par un acteur britannique très distingué ? Les décideurs de la chaine leur imposent Matt LeBlanc et transforment ce personnage en coach de criquet. Le coach est amoureux d’une bibliothécaire lesbienne ? Elle devient une bimbo à lunettes avec laquelle il se passera forcément quelque chose au cours des prochains épisodes. Et ainsi de suite. Ce qui devait être un tremplin inouï pour leur carrière devient un parfait désastre : leur série est détruite point par point, Matt ne s’entend absolument pas avec Beverly – la scénariste -, et leur couple est mis à rudes épreuves.

La force de cette série se situe là : elle réussit à mêler humour britannique, avec son lot d’absurde et de nonsense, et humour US, plus basé sur la comédie de situation. Et surtout, elle propose une satire plutôt réussie – quoique parfois exagérée, du moins je l’espère – du système de l’entertainement américain. Hypocrisie et cynisme des responsables des Networks, coucheries en tous genres, toute puissance du look, acteurs à l’égo surdimensionné, focalisation sur les projections-tests(1), tout y passe.

How you doin’?

Autre force de cette série : le casting. Tamsin Greig et Stephen Mangan sont parfaits en couple de scénaristes britanniques inadaptés au monde d’Hollywood. Leur pâleur, leur look, leur humour et leur accent sont en total contraste avec le bronzage aux dents blanches obsédé par la minceur du casting et de la production américains. Matt LeBlanc est quant à lui incroyable de justesse dans son propre rôle – une version exagérée de la réalité, sinon ce serait moins drôle -. Cet acteur un peu ringard et désœuvré sur le retour, divorcé et coureur de jupons va non seulement réussir à endommager leur série, mais aussi leur mariage. Mais c’est un personnage plus profond qu’il n’y parait, et, dixit l’acteur lui-même, « bien plus intéressant que le vrai ». Cerise sur le cupcake, LeBlanc se moque ouvertement de sa période Friends et des problèmes qu’il rencontre à se détacher du personnage un peu nigaud qu’il y incarnait. Présent également dans le casting un John Pankow plus vrai que nature en directeur de programme tyrannique, hypocrite et adultère.

Résultat : Matt LeBlanc a remporté le Golden Globe 2012 du Meilleur acteur dans une comédie TV pour son rôle dans Episodes, une récompense qu’il s’était vu refuser à l’époque de Friends.

Si Episodes est classée sous cette étiquette, on ne peut pas parler d’une sitcom typique. Ici, point de décor préfabriqué ou de rires en boîtes : la série se passe en décors réels et n’est pas enregistrée en public.

La saison 1 d’Episodes ayant reçu un accueil chaleureux, une seconde saison a été annoncée pour le mois de juillet, dont voici le trailer :


Autant vous dire que je suis très impatiente de savoir la suite, d’autant que la saison 1 se termine sur un cliffhanger intéressant. A l’heure actuelle, la saison 1 est diffusée sur Orange Cinénovo et disponible en DVD au Royaume-uni uniquement.


1 – A ce sujet, regardez Séries Addicts, le documentaire d’Olivier Joyard.