Invisible – Paul Auster


Au début, tout paraît simple. Au printemps 1967, Adam, jeune étudiant en lettres rencontre un homme mystérieux et une femme sulfureuse lors d’une soirée très ennuyeuse. Born est un professeur d’université à la personnalité assez bipolaire (pour preuve ses coups de colères aussi soudains qu’éphémères). Il propose bientôt à Adam de le mettre à la tête d’un magazine littéraire qu’il financerait, fantasme du jeune rêveur depuis toujours. Adam le comprend vite : tout ceci est trop beau pour être vrai. Rapidement, le désastre arrive. Une folie meurtrière et la bonne fortune d’Adam se mue en lose totale. Jusque là, le lecteur croit tenir le fil du roman, savoir quel destin il va suivre. Il se trompe.

Rapidement, la narration change de voix pour passer de l’Adam de 1967 au Jim Freeman de 2007. Écrivain reconnu, ancien ami d’université d’Adam, il reçoit un jour une lettre de ce dernier avec le manuscrit de la première partie de ses mémoires – la première partie d’Invisible, donc. Adam se meurt, rongé par la maladie. Il écrit ses mémoires vite, très vite, surtout les terminer avant d’être emporté. Au cas où il n’en aurait pas le temps, il charge son vieil ami de mettre en forme ses notes. Cette première mise en abyme du roman ne parvient pas encore à nous perdre complètement. On y voit plus clair, pense-t-on. L’histoire d’Adam suite à cette nuit funeste, ses amours avec la sulfureuse Margot, sa relation incestueuse avec sa sœur, son exil à Paris, son désir de vengeance, la candeur de Cécile, nouvelle amie d’Adam : tout ceci semble tenir debout.

Sauf que rien ne coïncide au final. Petit à petit, pièce par pièce, Auster nous démontre que tout peut aussi bien être faux dans cette histoire. Qui croire ? Les vivants ? Les morts ? Rien ne s’ajuste, certaines pièces sont véridiques, d’autres sont de pures inventions. Les témoignages des uns, les lettres des autres, les coups de fils médusés, le journal intime en forme d’épilogue : autant de poupées gigognes trompeuses dans le récit. Quand le lecteur croit enfin tenir un élément de vérité dans ce micmac trompeur, Auster s’attache aussitôt à le détromper. Il signe ici un anti-polar. Vous attendez une ligne narrative définie, avec suspects, méchants, gentils, et toutes les clefs du genre ? Vous n’en trouverez rien dans ce roman. Et vous tournerez la dernière page avec plus de questions en tête que de réponses.

Je n’ai toujours pas réussi à démêler le vrai du faux dans l’histoire d’Adam Walker. Mais j’ai la certitude d’avoir entrouvert une porte très intéressante. Je lisais là mon premier roman de l’auteur, j’ai maintenant envie d’en lire plus.

Invisible

de Paul Auster

Actes Sud

298 pages, 22,50 €.

Traduit de l'anglais (États-Unis) par Christine Le Boeuf

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