La Belgariade – Tolkien pour les Nuls


Si vous demandez à quelqu’un de citer un auteur de fantasy, on vous répondra la plupart du temps « Tolkien ! », pour sa trilogie Le Seigneur de Anneaux, dont l’adaptation au cinéma par Peter Jackson (King Kong, Lovely Bones) n’a fait qu’accroitre la renommée. Beaucoup ont essayé de marcher sur les traces de l’écrivain, beaucoup y ont cassé leur plume. Pourtant, dans les années 80, un dénommé Eddings est parvenu à constituer son propre univers. A ceux qui auraient eu des sueurs froides devant les descriptions foisonnantes de Tolkien, je vous invite à vous pencher sur le cas de la pentalogie La Belgariade

Middle-earth vs Ponant

Le début d'une grande aventure...

Quand David Eddings s’est attaqué à l’écriture du premier tome, Le Pion blanc des présages, il n’en était pas à son coup d’essai. Cependant, c’était la première fois qu’il s’attaquait au genre de la fantasy, après plusieurs écrits n’ayant pas rencontré le succès escompté. Partant à la base sur une trilogie, comme son ainé, il coucha finalement sur le papier une saga en cinq volumes, son éditeur le contraignant à des tomes de 200 pages maximum. C’est que l’ami Eddings avait préparé son affaire et avait imaginé un univers assez conséquent, avec l’appui de son épouse Leigh (qui ne sera reconnue que plus tard comme coauteur de l’œuvre). Ici, point d’elfes, de nains ou d’orcs. Ce sont des Sendariens, des Algarois, des Thulls ou des Murgos et encore bien d’autres ethnies qui peuplent les différents royaumes du Ponant et les territoires angaraks, chacun ayant sa culture propre : les Sendariens sont très manuels et ont par conséquent un sens pratique très aigu, les Algarois sont nomades et attachent donc une grande importance à leur monture, qui peut faire office de monnaie, etc. C’est ainsi dans ce grand brassage de culture que va se dérouler l’intrigue de la Belgariade. Mais quelle est-elle ?

« Why me ? »

L'auteur, David Eddings

L’histoire est centrée autour du personnage de Garion, jeune garçon de ferme qui baigne dans l’insouciance de la jeunesse. Il coule des jours heureux, à faire les quatre volontés de sa tante Pol, cuisinière sans égale. La routine de ce quotidien n’est interrompue que par les visites de ce bon vieux conteur qu’il aime à appeler « Sire Loup », intarissable source d’histoires que le jeune blondinet écoute religieusement. Mais par un soir d’automne, sans trop comprendre pourquoi, il se voit contraint de suivre le vieil homme et tante Pol, qui semblent être davantage que ce qu’ils veulent bien laisser croire, et de prendre la route pour une destination inconnue. Ce n’est que plus tard, au fil du cheminement et des rencontres qu’il va faire que le pourquoi de leur périple va être porté à sa connaissance : l’Orbe d’Aldur, joyau légendaire aux origines divines a été dérobé. De par sa puissance, elle représenterait un danger sans commune mesure placé entre de mauvaises mains. L’histoire du monde du Ponant en témoigne : il y a de cela des millénaires, Torak, dieu cruel des peuples angaraks avait tenté de faire usage de l’orbe pour assouvir le monde par la destruction. Bien mal lui en avait pris, car l’Orbe d’Aldur lui avait brûlé la moitié du visage par la même occasion. A la suite de quoi, après une guerre sans merci et par l’usage de la ruse, les autres dieux et leurs alliés avaient fini par remettre la main sur l’Orbe. Torak, cantonné dans sa retraite, dormirait depuis d’un long sommeil, attendant que le vent tourne en sa faveur. Périple et légendes mis de côté, reste à éclaircir une chose : quel est le rôle de Garion dans cette aventure ? Pourquoi lui, qui ignore tout du monde, se voit embarqué dans cette épopée, aux côtés d’un espion drasnien, d’un guerrier cheresque, et bien d’autres personnages hétéroclites ? « Pourquoi moi ? », dit-il lui-même si bien.

Tout vient à point à qui sait attendre.

C’est bien là un des attraits de l’œuvre. La narration est à la troisième personne, mais embrasse dans la quasi intégralité de l’œuvre le point de vue de Garion. Les informations nous sont alors soumises au compte-goutte, bien que contrairement au garçon de ferme, et codes du genre obliges, l’on comprend bien plus rapidement que lui l’importance de sa destinée. Loin d’être agressé par un afflux conséquent d’informations d’entrée de jeu, le récit nous dépeint l’univers en même temps que Garion le découvre. Le récit est lui-même découpé en parties, chacune rattaché à un pays. On a le temps de digérer toutes les données géographiques, historiques et sociologiques, ce qui rend l’œuvre très accessible, spécialement pour les lecteurs peu habitués au genre.

Des personnages comme s’il en pleuvait.

Le codex de Riva, une mine d'informations sur l'univers d'Eddings. Une pièce rare !

Une des forces majeures de la Belgariade réside en la force de ses personnages. Tous les lecteurs ont leur petit préféré tellement on finit par s’attacher à leurs personnalités travaillées. Celles-ci répondent bien souvent à des archétypes, allant parfois jusqu’à la caricature. Je pense particulièrement au personnage de Mandorallen, à l’esprit chevaleresque jusqu’au-boutiste, que l’on retrouve dans son phrasé très soutenu, propre à son peuple. Il ne s’agit pourtant que d’un élément dans l’énorme brochette de personnages que Garion va côtoyer. En dépit de cela, la narration reste toutefois limpide et fluide. L’écriture d’Eddings est très agréable, et fait parfois la part belle à l’humour, certains personnages ne manquant pas d’esprit. Citons par exemple Silk, dont la malice n’a nulle autre pareille, ne se faisant jamais prier pour lancer des piques ou jouer des tours à ses interlocuteurs. Parfois à ses risques et périls.

 
 
Pour quiconque souhaite découvrir le genre de la fantasy, la Belgariade constitue une excellente porte d’entrée. Et pour ceux qui auraient à regret de laisser derrière eux Garion et ses compagnons à la fin de leur lecture, sachez qu’une deuxième pentalogie lui fait suite, j’ai nommé la Mallorée.

La Belgariade de David Eddings
Éditions Pocket
de 7 à 8€ le tome.

Chant I : Le Pion blanc des présages
Chant II : La Reine des sortilèges
Chant III : Le Gambit du magicien
Chant IV : La Tour des maléfices
Chant V : La Fin de partie de l’enchanteur