L’étrange histoire de Benjamin Button


« Curieux destin que le mien…»

Ainsi commence l’étonnante histoire de Benjamin Button, cet homme qui naquit à 80 ans et vécut sa vie à l’envers.

David Fincher nous a habitué à des films tous plus remarquables les uns que les autres, et surtout à des surenchères de violences crues. A commencer par Seven, film de référence sur les tueurs en série, Fight Club, ou comment réhabiliter les combats à mains nues et les organisations secrètes, Panic Room, où Jodie Foster est persuadée qu’on a enlevé sa fille au beau milieu d’un vol, au-dessus des États-Unis (ce film est vraiment très original) et enfin Zodiac, où il revient vers son premier amour, les tueurs en série. Si vous avez manqué l’un de ses films, vous devez vraiment vous rattraper.

Et surtout enchainer avec L’étrange histoire de Benjamin Button.

Bouleversant, magnifique, merveilleux, fantastique, dans les sens les plus littéraux de ces termes, il n’y a rien de plus à dire sur cette « étrange histoire », et c’est déjà pas mal. Plus qu’un coup de cœur, c’est LE film de ce début 2009.  L’histoire est originale, le scénario (écrit par Éric Roth, le scénariste de Forrest Gump) bien rôdé. Les personnages tous attachants et bien traités. Et ce n’est pas un hasard s’il est précisé qu’Éric Roth est le papa de Forrest, car les seconds rôles du nouveau Fincher sont développés sur la même structure que ceux de Spielberg : des seconds rôles qui portent le film, gravitent autour de Benjamin Button et l’incitent à agir. Ils supportent alors le poids d’un Brad Pitt tout en retenue.

Prothèses et maquillage, le Brad Pitt vieillissant (ou rajeunissant, ça dépend du point de vue) est vraiment très bien travaillé, même trop. L’acteur reste figé, malgré les quelques 160 expressions du visage rendues possibles grâce aux techniciens des effets spéciaux. Mais une retenue, une réserve, qui correspond parfaitement au personnage, à cet être « pas comme les autres ». De ce fait, et même si c’est une habitude chez Fincher, le film se retrouve plongé dans l’obscurité, des couleurs à la fois sombres et chaudes, qui peuvent pallier le manque de ces prothèses faciales.

L’étrange histoire de Benjamin Button

C’est lorsque que Brad Pitt retrouve son âge, celui de notre réalité, libéré de tout ce lourd matériel, qu’il peut enfin s’exprimer librement. Et là, nous retrouvons le grand acteur que nous connaissons bien, qui est capable de nous faire fondre d’un simple regard, regard mélancolique, désespérément amoureux et romantique, qui nous transmet tout son jeu, d’une grande puissance.

Ce n’est pourtant pas lui qui nous fait verser les larmes finales, car malgré ce travail, Brad Pitt n’est pas encore face à son plus grand rôle, mais il s’en approche. Lui-même le dit, ainsi que le réalisateur, dans plusieurs de ses interviews :

« Incarner la réserve du personnage, son impassibilité demande beaucoup de confiance et de maturité à un comédien. Je ne crois pas que Brad ait encore joué le rôle de sa vie, mais Benjamin Button, est celui qui, je pense, s’approche le plus intimement de la personne que je connais (source Première

Non, le vrai jeu d’acteur, est en fait un jeu d’actrice, par la grande et fabuleuse Cate Blanchett, qui nous prouve une fois de plus, s’il est besoin de le faire, qu’elle est capable de faire vivre un personnage fort, ambigu et torturé par ses sentiments. Maladroite et fougueuse, elle finit par se transformer en femme mûre et responsable, sans aucune peur de la part de l’actrice de se montrer vieillie et ridée, pour un personnage tout en souffrance retenue, de voir l’homme qu’elle a toujours aimé la quitter, perdu à jamais par sa singularité, ne leur laissant que peu de temps pour vivre entièrement leur passion.

Quelle tragédie de ne pouvoir vieillir auprès des êtres aimés.  Ce film est une leçon de vie, d’amour, de tout ce qu’il y a de romantique dans le mot « romantique ». Un message qui veut que l’on profite de ce qu’elle nous donne dès maintenant, et apprendre à appréhender le temps qui passe de la manière la plus positive possible.  La vieillesse ne devrait pas être une fatalité. La vie a malgré tout un sens.

Le début du film nous montre un père qui invente et construit une horloge qui remonte le temps :  il souhaite de cette manière exprimer toute sa souffrance, d’avoir perdu son unique fils si jeune à la guerre.  Il souhaite d’une certaine façon que l’on puisse remonter le temps, pour profiter de nouveau, et ne pas faire les mêmes erreurs. Qui n’a pas pensé à pouvoir le faire, quel artiste ne l’a jamais évoqué?  Hélas,  son souhait a engendré un monstre,  ou ,  par bonheur,  sa création a engendré la vie,  avec tout ce qui la compose,  tout ce qui fait qu’elle vaut d’être vécue.

Pour les plus réfractaires au romantisme et à la philosophie de la vie, vous y verrez un film néanmoins rempli d’humour (encore un héritage de Mister Roth?), avec des décors et des effets spéciaux très travaillés, des rencontres d’acteurs qui remplissent entièrement la toile (comme la présence de Tilda Swinton), un voyage entre les années 20 et 2000 (avec une référence à l’Ouragan Katrina), le film nominé 13 fois pour les 81es Oscars, le 22 février prochain !

L’étrange histoire de Benjamin Button

de David Fincher

164 minutes

États-Unis, 2008

Avec Brad Pitt, Cate Blanchett, Julia Ormond, Taraji P. Henson, Jason Flemyng, Tilda Swinton …Elizabeth Abbott