Combattant ne me laisse jamais partir. Part 2


Comme je le disais dans la première partie de cette double chronique, tout comme Fighter, ce film fait partie de ces rares moments où aller au cinéma est un vrai plaisir, de ces rares films qui vous laissent dans un état second, vaporeux où le besoin de sortir lentement de son univers se fait sentir.

Songe d’une nuit d’automne

Never let me go c’est l’histoire de Kathy, Ruth et Tommy qui  depuis l’enfance  sont les pensionnaires d’une école en apparence idyllique, une institution coupée du monde où seuls comptent leur éducation et leur bien-être. Devenus jeunes adultes, leur vie bascule : ils découvrent un inquiétant secret qui va bouleverser jusqu’à leurs amours, leur amitié, leur perception de tout ce qu’ils ont vécu jusqu’à présent.

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Tout ça se déroule dans les années 1990 d’un monde alternatif au notre, un monde dans lequel l’espérance de vie a dépassé les 100 ans, tout est identique mais a une différence prés. On est dans le registre de la science fiction mais sans aucun effet spécial, sans aucune explosion, tout dans la réflexion et l’émotion.

Le film est une adaptation très fidèle du roman de Kazuo Ishiguro, adaptation écrite par Alex Garland à qui l’on doit La Plage28 jours plus tard ou Sunshine. Autant dire qu’il y a de la qualité dans l’air. Le postulat de base un peu décalé est prétexte à un film d’une intensité rare, véritable réflexion sur la Vie, la Mort, l’Amour, le destin et l’éthique.

Mark Romanek est à la réalisation, comme dans son Photo Obsession, la photographie est encore une fois magnifique, tout en sobriété et s’associe à des cadrages splendides faisant de chaque plan une photographie qui capture différent moment de la vie des trois protagonistes.  Le film revêt tour à tour toute la beauté de la campagne anglaise en fin d’automne, c’est à la fois déprimant, beau, frais, très mélancolique et dans les tons jaune-orangé. Mais il revêt aussi l’humidité grisâtre des côtes de la Manche, l’austérité et la rigueur d’un pensionnat britannique ou la froideur métallique et clinique des centres médicaux.

Un chat, une sauvageonne et un plat épicé

Il faut dire que le sujet est grave, il est ici question de clonage et de don d’organes, mais vu à travers le prisme de la vie éphémère  de ces trois enfants puis jeunes adultes aux destins identiques.  Pour interpréter ces trois personnages on retrouve Andrew Garfield, Keira Knightley et surtout Carey Mulligan. Ils sont accompagnés au casting par les impeccables Charlotte Rampling et Sally Hawkins.

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Mis à part toutes les qualités techniques et visuelles déjà mentionnées, le film repose entièrement sur l’interprétation et le talent de ses acteurs.  Andrew Garfield, que l’on a pu voir récemment dans The Social Network ,  démontre encore ici qu’il est un grand acteur en devenir. Il est tout en intériorité, en retenue, on sent que son personnage est toujours sur le point d’exploser, tiraillé par ses sentiments pour ses deux meilleures amies, il est fragile mais présent pour les autres, courageux et torturé.  Keira Knightley qui a un gros potentiel de niaiserie et de fadeur, est ici excellente, tout en sobriété, fragile, son personnage est la manipulatrice, la jalouse en mal d’amour, la résignée de l’histoire. On se plaît à la détester et à finalement avoir de la tendresse mêlée de pitié à son égard.  Elle est le pendant négatif de la lumineuse Carey Mulligan.

Dans le Monde à l’heure actuelle en termes d’actrice loin au dessus des autres, il y a Meryl Streep, Cate Blanchett et Carey Mulligan, elles sont ce qui se fait de mieux au cinéma. Elle est la narratrice du film mais aussi le pilier sur lequel se repose les autres. Son personnage l’est aussi d’ailleurs, un phare, une bouée sur laquelle on peut compter. Elle est amoureuse, meurtrie, dévouée, fidèle et fiable malgré tout. Carey Mulligan est encore une fois magique, d’une mimique, d’un sourire, d’un plissement des yeux, elle exprime une palette d’émotions hors du commun. Déjà dans Une éducation, elle avait conquis son monde avec ses fêlures, son sourire désarmant, sa voix douce et son petit accent  British irrésistible. Film après film, elle fait ses preuves, reine des Drames mais jamais du pathos pour le pathos.

Précisons que le  film est grave, triste et fait beaucoup réfléchir mais il n’est jamais larmoyant et ne cherche pas à nous tirer des larmes à tout prix. Formidable.

Pour conclure, disons que ceux sont là deux films bien différents mais qui reposent sur une interprétation brillante, une réalisation efficace sans être ostentatoire et une histoire captivante. C’est beau le Cinéma quand même !

Never let me go

de Mark Romanek

sortie le 2 Mars 2011

avec Carey Mulligan, Keira Knightley, Andrew Garfield, Charlotte Rampling, Sally Hawkins, Nathalie Richard.