Nura, le seigneur des yōkai


Couverture tome 1

Cette série avait fait parler beaucoup d’elle lors de sa sortie au Japon en 2008 et j’avais aussitôt surfé sur la vague pour voir ce qui se cachait derrière ce titre de manga peu évocateur : Nurarihyon no mago (1). Prépublié dans le Weekly Shonen Jump*, ce manga s’est fait attendre dans nos contrées puisque que ce n’est que trois ans après sa sortie nippone qu’il arrive en France. Comble de l’ironie, son animé, pourtant tout récent au Japon, est déjà sorti chez Kaze TV en VOD. Bref c’est un petit peu le monde à l’envers pour un manga qui a pourtant toutes les qualités nécessaires pour faire un très bon shonen(2), sans compter un graphisme qui dépasse largement ses confrères. Heureusement les éditions Kana ont rétabli cette injustice en nous proposant de sortir d’un coup non pas un mais deux tomes de ce nouveau manga ! Bref, Nura, seigneur des yōkai* devrait avoir un très bon démarrage.

(1) Il s’agit du titre original du manga.
(2) Manga pour Garçon..
(*) Pour plus d’informations, voir le lexique en bas d’article.

L’histoire

Rikuo Nura

Rikuo Nura n’est pas un enfant comme les autres puisqu’il possède un quart de sang de yōkai, celui du Nurarihyon(3). De par ses origines, et suite à la mort de son père, il devient l’unique hériter d’un clan très puissant de yōkai. Cependant, Rikuo souhaite vivre comme un simple humain et refuse de devenir le chef d’une armée démoniaque au grand dam de son grand-père — l’ancien Nurarihyon. Le refus catégorique de Rikuo de devenir le chef du clan Nura va nourrir de grandes ambitions chez les clans yōkai soumis à sa famille. Certains pensent que le temps du Nurarihyon est révolu et qu’il est temps de désigner un nouveau chef. Cependant tant que Rikuo est en vie personne ne pourra prendre le pouvoir à sa place. Ce dernier va donc se retrouver contre son gré plongé dans une guerre de clan intestine, mais aussi, avec d’autres clans ennemis. Un autre problème se pose pour Rikuo : peut-il réellement renoncer au sang de yōkai qui coule dans ses veines ?

(3) lire la troisième partie pour plus d’explications.

De la matière…

L’idée de Kana de proposer plusieurs tomes pour la sortie de ce manga est un bon point car il faut bien deux tomes pour tomber sous le charme. En effet, Nura, seigneur des yōkai peut sembler au premier abord simple à cerner. Cependant, le manga joue avec deux handicaps. Premièrement, il faut digérer dès le départ un nombre incalculable de personnages appartenant à divers clans yōkai mais aussi humains. Ensuite, le fait que Rikuo refuse systématiquement de devenir le chef du clan Nura ralentit l’histoire. Il faut attendre dix chapitres pour que le personnage de Rikuo prenne réellement de l’épaisseur et qu’il ait enfin le charisme de son double nocturne, le Nurarihyon. Bref, les deux premiers tomes sont essentiels et plantent le décor. Le lecteur peut ensuite profiter d’un shonen avec des bases bien posées et qui tiennent la route malgré sa pléthore de personnage.

Contes et légendes

Le Nurarihyon : le grand-père et Rikuo

Le point fort de ce manga est qu’il arrive à mêler brillamment tous les ingrédients d’un shonen de base à la culture nippone. En effet, les yōkai font partie intégrante du folklore japonais au même titre que les shinigami*.

Ainsi premier point, le Nurarihyon existe vraiment. Il fait partie des personnages légendaires et on le retrouve dans de nombreux écrits anciens. Il y est décrit comme un yōkai rentrant dans les maisons à l’insu des gens et faisant de mauvaises plaisanteries. L’histoire veut qu’il soit représenté comme un vieil homme avec un crâne allongé – ce qui n’est pas sans nous rappeler dans le manga le personnage du grand-père qui présente les mêmes caractéristiques morphologiques-. Il s’agit d’un trait propre au Nurarihyon. Aussi quand Rikuo prend sa forme de yōkai, il possède également un crâne allongé. C’est ce qui fait de lui le Nurarihyon. Dans le manga, ce dernier a un statut très important. Il est le chef d’une armée puissante de yōkai et il a sous son contrôle plusieurs clans qui lui doivent allégeance. Il est donc à la tête d’un très vaste empire et c’est aussi pour ces raisons que Rikuo refuse son rang de chef de clan.

Autre point, bien que l’histoire se passe dans la société d’aujourd’hui, le monde des yōkai est représenté comme une société féodale japonaise. Les clans fonctionnent avec une hiérarchie bien établie comprenant  un  chef, des protecteurs et des soldats. Le tout soumis aux codes d’honneur et de respect.

Enfin,  le manga fait appel au personnage de l’ Onmyōji* par le biais d’une des amies de Rikuo :  Yura Keikain. Elle est héritière d’une célèbre famille d’exorciste et sait utiliser plusieurs shikigamis* à la fois. Elle est théoriquement l’ennemi du Nurarihyon et des yōkai. Cependant, elle ignore que Rikuo est le Nurarihyon ce qui risque de poser quelques situations intéressantes pour la suite de l’histoire. Bien que Yura Keikain soit présenté dans le manga comme une simple  exorciste de haut rang.  L’Onmyōji est une personne bien plus complexe capable d’utiliser l’art de la divination et de la magie. Son personnage  peut donc prendre beaucoup d’importance dans la suite de ce manga. Si cela vous intéresse, vous en apprendrez plus sur les Onmyōji en lisant le lexique.

Bref,  le personnage mythique du Nurarihyon, l’époque féodale et l’apparition d’un Onmyōji permet au manga de prendre de  la consistance en nous plongeant par le divertissement dans la culture nipponne. C’est une très bonne ligne directrice qui donne un sérieux plus à ce shonen.

(*) Pour plus d’informations, voir le lexique en bas d’article.

Des illustrations dans les planches

Cliquer pour agrandir

Un des derniers points forts de Nura, seigneur des yōkai est que – dès le départ – le dessinateur Shiibashi Hiroshi utilise ce que j’appellerais de véritables illustrations qui sont un vrai régal pour les yeux. Lorsque Rikuo, sous sa forme nocture, se déplace avec son armée de yōkai, c’est un prétexte pour le mangaka de montrer la grandeur de cette armée en utilisant toute la longueur des deux pages. L’effet est de ce fait saisissant. En une image, l’auteur arrive à poser une idée de grandeur et de puissance. Donc chapeau. Shiibashi Hiroshi va utiliser ce système à plusieurs reprises dans le manga. Il s’en sert également dans les scènes de combat. Il découpe donc ses pages dans la longueur ce qui donne un effet de panoramique saisissant rendant plus fort les moments de suspens et la stylistique du dessin.

En bref…

Vous l’aurez compris Nura, Seigneur des yōkai risque de devenir un shonen incontournable de cette nouvelle année 2011. Les fans de combat et d’histoires autour de l’ère Edo devraient apprécier ce nouveau manga très bien construit.  A surveiller donc de très très près. Sortie prévue le 25 février 2011 !

Le lexique :

Yōkai : Il est difficile de donner une définition en quelques lignes de ce qu’est un yōkai tellement sa nature peut varier. Ce dernier peut prendre diverses formes aussi, je vous invite à suivre ce lien pour plus de précision.

Shinigami : Se traduit souvent par  « dieux de la mort. » Cependant, il s’agit plus exactement d’un passeur d’âme. Leur principale fonction est de guider les âmes vers le royaume des morts.

Shikigami  : A ne pas confondre avec shinigami, les shikigamis sont des esprits invoqués pour servir l’onmyōji (voir ci-dessous). Ils peuvent prendre  formes humaines ou animales, posséder ou enchanter les gens et même provoquer des blessures mortelles.

Onmyōji : Il est directement lié à une forme de cosmologie ésotérique traditionnelle japonaise, qui mélange les sciences naturelles et l’occultisme : l’Onmyōdō. Je vous invite à lire cette page très détaillé de Wikipédia sur ce sujet.

Weekly Shonen Jump : Plus connu sous le nom de Shonen Jump. Il s’agit d’un magazine de prépublication crée en 1968 et édité par la Shueisha, la plus grande maison d’édition de manga au Japon. Ce magazine cible principalement un lectorat masculin et propose plusieurs séries à suivre au rythme d’un chapitre par semaine. C’est dans ce magazine que sont sortis bons nombres de shonen connu comme One Piece, Naruto, Death Note, Reborn, Bleach et bien d’autres…

Nura, le seigneur des yōkai de Hiroshi Shiibashi
Kana Editions
2 tomes édités en France (le 25 février)
14 tomes édités au Japon : 14
6,75€