Pêche mon petit poney


Enfant, les désirs de Thomas sont différents de ceux de ses camarades. Son petit poney rose est quant à lui jouet d’un petit garçon. Ils se retrouvent alors tous deux en marge des normes sociales. En parallèle d’une enquête sur les lois de l’industrie du jouet, Thomas Riera, qui joue son propre rôle à l’écran, donne une vue sur la vie intime de l’enfant : pensées, réflexions, préconscience de sa sexualité.

 

Quand un petit garçon préfère le super héro à la princesse.

Quand un petit garçon préfère le super héros à la princesse.

 

Papa, Maman, j’aime les garçons !

Le 6 avril 2013, le festival Cinémarges diffuse Pêche mon petit poney à l’Utopia. Cette même journée, de nombreux enfants partagent leurs plus grands secrets avec leur doudou.

En 2009, Thomas Riera se rend compte qu’il n’y a pas de progrès. Cette même année, il décide de comprendre la norme : rose pour les filles, bleu pour les garçons.

Il est l’heure de la naissance de son moyen-métrage.

Quand Thomas était enfant l’univers des filles et des garçons était déjà bien distinct. Lors de son 6e anniversaire, on lui offrit Pêche, un petit poney. Sur une photo qu’on a prise de lui à ce moment-là, Thomas sourit à pleines (ou presque) dents. C’est une émotion de quelques minutes car l’idée que ce petit poney est normalement destiné aux filles lui revient. La conscience de la norme du genre s’impose avec ses gros sabots. Thomas comprend alors que l’existence de Pêche serait son grand secret.

Pourquoi offrir un petit poney, de surcroît rose saumon, à un petit garçon ?

Pêche mène l'enquête

Pêche mène l’enquête

Pêche en poche, Thomas Riera part à la rencontre de ceux qui ont des réponses à ses questions : Où se trouve la production des petits poneys ? Qui les a créés ? Pourquoi ne sont-ils destinés qu’aux petites filles ? Pourquoi Pêche s’était-il retrouvé parmi les cadeaux d’un garçon ? Les étapes de l’enquête sont marquées par des personnages-clés. Allant de la férue des petits poneys à la vendeuse de jouets, jusqu’à ses parents. Ce film donne la parole à ceux qui transportent la norme sociale. Plutôt que d’interroger sociologues ou psychologues, le réalisateur choisit des personnes qui n’ont pas réfléchi à la question de normes autour des jouets. L’accent est mis sur les dialogues. Les questions naïves et innocentes donnent naissance à de grandes réponses:

« Pourquoi tout ce rose ? »
« Bah tout ce qui est rose, c’est chez les filles, donc automatiquement, on retrouve beaucoup de rose dans l’univers des filles. »

Thomas possède d’ores et déjà une vérité, Pêche est son ami. Toutes ces années confidences et questionnements ont rythmé leur quotidien. Avec un jouet en plastique pas de contradictions ni d’incompréhensions, Pêche écoute et adoucit les peines avec ses jolis yeux amandes. À Pêche, Thomas avoue qu’il préfère les garçons. Pêche l’exutoire. Ses pensées sont enfin partagées, elles prennent vie en étant racontées.

« Il se joue dans la chambre d’enfant un moment donné d’autres histoires », témoigne la conservatrice en charge du département des jouets. La solution est donc de créer ses propres histoires, en restant caché dans sa chambre. Ce film dénonce la souffrance silencieuse infligée aux enfants à travers des stéréotypes et des normes étriquées et restreintes. Une seule voie hétérosexuelle est proposée : le sexe biologique impose l’orientation sexuelle.

Tel un personnage de dessin animé, Thomas est vêtu du même jean vert et de la même veste bleue tout au long du film. Le spectateur le suit dans cette enquête, hors de toute temporalité. Après tout Pêche garde lui aussi sa belle robe rosée tous les jours. Figé dans ces rayons exclusifs, arpentant des drapeaux bleu et rose. Après avoir vu de nombreux films sur l’homosexualité, Thomas Riera s’est rendu compte que peu d’entre eux parlaient des prémices de celle-ci. Pêche mon petit poney offre une vue sur la construction de la sexualité, le parcours que traverse l’enfant pour arriver jusqu’au jour où il demande aux autres de l’accepter tel qu’il est. Acte de militantisme volontaire ou non, ce petit poney a un impact sur le sujet de l’homosexualité. Valeur éducative, informative, à l’instar de ces parents qui consciemment ou non suivent des normes imposées par une société conventionnelle. Norme n’est pas un gros mot ; pourtant on comprend bien grâce à Thomas Riera, qu’il en a toutes les répercussions. Le moment d’enlever ses œillères est arrivé. À travers ce documentaire à résonances de fiction, le réalisateur conte son histoire personnelle sur un ton naïf et humoristique. Thomas permet à son film d’être accessible aux enfants, leur offrant de nombreuses réponses. Ce moyen-métrage s’inscrit dans un cinéma du genre, sur le genre et dans le genre. Une réflexion sur l’influence des jouets et le rôle d’interférent qu’ils peuvent tenir. Sur ce, Pêche nous dit : « Ce n’est pas moi qui fais votre identité sexuelle ! »

Depuis plusieurs mois Pêche mon petit poney voyage. De nombreux spectateurs suivent son parcours à l’écran grâce aux festivals lgbt. De nombreux prix ont déjà récompensé le talent de ce petit poney.  Alerte ! Pêche est sorti des sentiers battus, il cavale dans les rayons de la Fnac sous forme de DVD !

 

Pêche mon petit Poney de Thomas Riera
sortie mars 2012.