Touche pas à mon Coke

On a tendance à penser que les marques les plus connues au monde ne font jamais d’erreurs, réalisent tout le temps un sans-faute. Or, il arrive même aux compagnies les plus puissantes de se planter totalement pour de multiples raisons, ce qui donne des cas d’école aux professeurs de marketing. On peut évoquer le ratage complet de la ligne de parfums Harley-Davidson, celui de la Dodge « La Femme » ou, pour rester dans le domaine de la cosmétique, celui des parfums Bic. Celui que je vais évoquer aujourd’hui est l’un des plus connus car il touche l’une des plus grandes firmes du monde, The Coca-Cola Company.

Un peu d'ours polaires, car c'est toujours mignon

Voici quelques ours polaires mignons dans ce monde de brutes.

Nous sommes en 1985 et ce n’est pas la joie pour Coca-Cola. Si, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la boisson était au firmament des sodas, ce n’est plus du tout le cas dans les années 1980. La part de marché de la boisson phare du groupe s’élève péniblement à 24% aux Etats-Unis et la raison principale de cette dégringolade s’appelle Pepsi. La marque concurrente avait mis en place une stratégie publicitaire conséquente dans le but de séduire les plus jeunes consommateurs. Et ça marche : devenue une marque branchée, le Pepsi classique devient le deuxième soda en termes de ventes en Amérique du Nord, derrière Coca-Cola et devant le Diet Coke. De plus, la plupart des études montrent que lors de tests à l’aveugle, les consommateurs préféraient le goût de l’outsider. Les dirigeants de Coca-Cola décident donc de contre-attaquer.

Après quelques temps de recherche, une nouvelle formule du Coca est proposée lors de tests à l’aveugle et tous sont formels : cette nouvelle recette est préférée à l’ancienne et même à celle de Pepsi ! Décision est donc prise à Atlanta, ville où fut fondée la marque en 1886, d’abandonner la recette originale et de la remplacer par la nouvelle. Le 23 avril 1985, le New Coke est officiellement lancé aux États-Unis, soutenu par une campagne marketing massive. Quelques jours après, les usines arrêtent définitivement de produire l’ancien Coke. Cela va permettre, pense-t-on chez Coca-Cola, de redresser la barre et de recreuser l’écart avec Pepsi.

New-Coke-Ad

Mais quelque chose d’imprévu se passa : les Américains rejetèrent en bloc la nouvelle formule proposée et les ventes de New Coke sont calamiteuses. Bien que le produit soit meilleur, les consommateurs n’imaginent pas que ce symbole de la nation que représente l’ancienne boisson puisse disparaître du jour au lendemain. Pétitions, lettres de menaces, flot d’appels à la hotline de Coca-Cola : la bronca s’abat sur la compagnie et Pepsi ne se gène pas pour se moquer de son concurrent au travers de publicités télé bien senties. Le 11 juillet, contrainte et forcée, l’entreprise annonce le retour du Coca-Cola « classique », c’est-à-dire de la formule traditionnelle. Les ventes de ce Coke Classic sont excellentes et même supérieures à celles qu’elles étaient avant l’épisode New Coke, recréant un lien d’attachement fort entre le produit et les consommateurs américains. Quant à ce dernier, il est resté en vente, puis rebaptisé « Coke II » en 1992. Il est totalement arrêté en 2002 et est encore aujourd’hui considéré comme l’un des plus gros flops de l’histoire des entreprises.

Coke II

Si cette histoire vous intéresse, elle est évoquée plus en détails dans le livre de Matt Haig, 100 grands flops de grandes marques, disponible aux éditions Dunod.