Princess Tutu, perle rare et méconnue


Ah, les magical girl. Il aura fallu une vidéo du Joueur du grenier pour que la peuplade geek se souvienne avec nostalgie de genre d’anime désuet. Ce genre tellement codifié, avec constamment une gamine devant combattre des méchants à l’aide de pouvoirs magiques et de tenues improbables. De ces dernières années, il n’y a guère que Puella Magi Madoka Magica pour apporter un vent de fraîcheur en bousculant un peu les règles du magical girl en l’amenant à un autre type de public. Pourtant en 2002 sortait au Japon un dessin animé, un magical girl pas si gamin, plutôt intelligent et mature, voire sombre à certains moments. Un magical girl qui au final n’était pas tellement un magical girl. Et oui, je parle bien de Princess Tutu.

En vrai, je suis un dessin animé super viril.

 
Évidemment, on aurait vite fait de jeter le discrédit sur cette œuvre tant son titre est ringard et sa jaquette rose bonbon. Pourtant, même après un article sur My Little Pony et les idols japonaises, je reste persuadé de ne pas avoir perdu la raison. Mais qu’est-ce qui m’a amené à m’intéresser à ce dessin animé (Non, je ne suis pas de prime abord attiré par ce genre de choses) ? Et bien, tout bonnement parce que Princess Tutu fit en son temps son petit buzz, à travers cette image :

En d’autres termes, il a vu Princess Tutu, il s’attendait à Sakura avec du ballet, il a eu des ninjas avec des guitares. On cherche encore le rapport avec les ninjas avec des guitares, mais c’est juste qu’il n’avait pas trouvé mieux pour imager à quel point cet anime est énorme (depuis, Princess Tutu est surnommé Guitar Ninjas). Car oui, je l’affirme haut et fort, Princess Tutu, c’est énorme. Ce n’est pas seulement un anime drôle et émouvant, c’est une œuvre à la beauté amère, plongée dans la méta-fiction, où les personnages aux psychologies torturées nous amènent une réflexion profonde sur le genre humain. Oui, Princess Tutu, tout à fait. Et c’est quoi l’histoire ? Et bien, c’est un peu compliqué…

 

Ahiru veut dire "canard" en japonais. Du coup elle est aussi un canard. Cherchez pas.

Drosselmeyer est un écrivain maudit, assassiné avant de pouvoir finir son œuvre, un récit narrant les périples d’un prince parti combattre le Monstre Corbeau. Les personnages agacés de cette absence de conclusion sortent alors de l’histoire, et le prince finit par briser son cœur en plusieurs morceaux afin de sceller les pouvoirs du Monstre Corbeau. Sans transition, Ahiru est une jeune étudiante en ballet (ou un canard) attirée par un autre étudiant d’une autre classe, Mytho, à la beauté ténébreuse et au regard vide de toutes émotions. Mytho s’avérera être le Prince de l’histoire de Drosselmeyer, et ce dernier, comme ressuscité des morts, transformera Ahiru en Princesse Tutu afin qu’elle puisse récupérer les fragments du cœur de Mytho et apporter enfin une conclusion au récit de Drosselmeyer.

 

Mytho est aussi expressif que Steven Seagal, sauf qu'il a une excuse lui.

Vous êtes perdu ? Ce n’est que le premier épisode. Oui je ne parlais pas de méta-fiction pour rien, on observe différents niveaux de récits dans le récit, et la frontière entre le conte et le « monde réel » est fragile. Pourtant, en substance, on pourrait se dire qu’au final on a une gamine dotée de pouvoirs magiques qui va devoir combattre des méchants afin de récupérer les fragments de cœur du prince, classique non ? Non. Hormis les relations conflictuelles avec les autres personnages que je vous épargne, la quête des fragments de cœur n’est en soit pas joyeuse. Chaque fragment représente une émotion, et se glisse dans le cœur d’autres êtres divers et variés (une cuisinière, une danseuse, un fourmilier, une lampe, oui oui.) et Ahiru/Princesse Tutu va devoir leur arracher. « Bonjour, oui votre sentiment de bonheur n’a rien à faire là, laissez-moi vous le reprendre s’il vous plaît. » Et va devoir les ramener au prince. Et au début, on parlera surtout d’émotions comme la solitude, la tristesse, la peur… Et le prince ne pourra connaître que ces sentiments. Glauque ? EXACTEMENT !

 

En plus il se fout de vous.

Drosselmeyer, le personnage-auteur omniscient n’hésitera pas à pousser à bout ses personnages, car comme il dit, « Rien n’est plus ennuyeux qu’une fin joyeuse ! », et ce sera aux personnages de se révolter contre leur sort. Car au final, plus que le prétexte de base, Princess Tutu raconte l’histoire de personnages de contes de fées se révoltant contre leur auteur. C’est une réflexion sur qui nous sommes vraiment, quel est notre rôle dans le monde, qu’est-ce que nous pouvons bien y faire. Et les mots d’Edel, la poupée mécanique de Drosselmeyer, prennent soudainement un nouveau sens…

 

« Que ceux qui acceptent leur destin trouvent le bonheur,
et ceux qui le combattent la gloire. »

Princess Tutu est une perle rare et méconnue. Un dessin animé qui vous refera redécouvrir le ballet, les contes de fées. Princess Tutu, c’est Black Swan en anime. Princess Tutu, c’est un dessin animé aux épisodes finaux sublimes qui m’ont fait pleurer à chaudes larmes. Malgré quelques épisodes en trop (il y a 26 épisodes divisés en deux saisons) et quelques longueurs, c’est une histoire qui ne déçoit pas.

A découvrir d’urgence.

(En France, l’anime est licencié par (feu) Déclic Images et vous pouvez trouver les coffrets des deux saisons facilement, et même souvent bradés. Par contre, VOST only, ce qui est un peu dommage pour les plus jeunes spectateurs.)

EDIT : en prime, un AMV de Princesse Tutu pour achever de vous convaincre :