Qvadriga, un quinté+ à la sauce romaine


Si vous nous lisez depuis plus de quelques semaines, vous savez déjà que je cultive des passions bizarres, telles les plans de métro et le hockey sur glace américain. Je pense pouvoir ajouter à la liste les jeux vidéos étonnants. Je vous ai déjà initié au plaisir de la conduite de poids lourds et à la vérification en chaîne de papiers d’identité, et vous avez échappé au jeu d’aventure où vous incarnez un père de famille bien comme il faut qui doit cacher au monde qu’il est en réalité un poulpe. Mais pour aujourd’hui, transportons-nous dans la Rome antique pour un jeu de courses de chars, nommé Qvadriga – Panem et Circences.

Comme ça, mais en jeu vidéo.

Comme ça, mais en jeu vidéo. © Astérix gladiateur, Goscinny & Uderzo, éditions Hachette.

Les courses, vous le savez, c’est ma grande passion.

A première vue, un jeu prenant pour thème les courses de chars peut faire penser à une sorte de PMU antique : pas bien intéressant. C’est oublier un peu vite la place prépondérante qu’avait la discipline dans le monde antique. Les plus anciens témoignages historiques font remonter à la Grèce antique l’existence des courses hippiques, mais ce sont surtout les épreuves de l’époque romaine qui dominent l’imaginaire collectif. Pour vous donner une rapide idée, ce sport était aussi populaire à l’époque romaine que peut l’être aujourd’hui le football en Europe. Les conducteurs de chars, appelés auriges, étaient de véritables stars qui devaient allier courage, sang-froid et précision. Car à la différence du football, on peut mourir lors d’une course de char antique : votre char se retourne, vous n’avez pas le temps de vous décaler et votre adversaire vous percute de plein fouet… C’est aussi rapide que cela.

 

L'Aurige de Delphes, ancêtre du musée Grévin

L’Aurige de Delphes, ancêtre du musée Grévin

Les courses ont lieu dans un hippodrome ou un cirque. Dans sa forme classique, la piste est de forme allongée, avec un mur de séparation en plein milieu afin que les concurrents puissent faire leurs tours de piste. Ce mur de séparation est souvent très richement orné de marbres, d’obélisques et comporte également le compte-tours, indispensable pour savoir où les pilotes en sont de la course. Ces édifices sont particulièrement beaux mais aujourd’hui, il n’en subsiste pas beaucoup. Le plus connu reste le Circus Maximus, près du Forum de Rome mais l’Hippodrome de Constantinople est également un exemple parlant de la beauté de ces édifices. En Gaule, il en existait également, notamment à Lyon, Arles, Saintes ou Vienne.

 

Attention à la course ! © Astérix gladiateur, Goscinny & Uderzo, éditions Hachette.

Attention à la course !
© Astérix gladiateur, Goscinny & Uderzo, éditions Hachette.

Vous l’aurez compris, la course de chars revêtait une importance capitale dans la vie romaine et c’est un matériau de choix pour un jeu vidéo. Quant au titre du jeu, c’est tout simplement du latin Qvadriga est le terme latin pour quadrige, qui désigne l’attelage de quatre chevaux conduits par un aurige. La course de quadriges était d’ailleurs l’une des épreuves composant les Jeux Olympiques antiques. Quant à Panem et Circences, il s’agit d’une citation tirée des Satires de l’auteur latin Juvénal et signifiant « du pain et des jeux ». L’auteur se moque alors de la tendance supposée des Romains de son époque à n’être intéressés que par les jeux du cirque et les courses de gladiateurs. L’expression « du pain et des jeux » possède toujours aujourd’hui une connotation très péjorative…

Voilà pour le point culture du jour, maintenant on peut parler du jeu en lui-même, avec du sang, de la sueur et des larmes à l’intérieur.

 

Mon char, c’est un quatre chevaux.

Dans son mode campagne, Qvadriga vous met à la tête d’une équipe de trois auriges (extensible jusqu’à quatre). Pour gagner une partie dans ce mode, il vous faudra assez de réputation, de sous et de doigté pour gagner trois courses sur la plus prestigieuse piste du circuit, le Circus Maximus ! Votre première décision sera de choisir sous les couleurs de quelle faction votre crew va participer. Au nombre de sept, chaque faction vous octroie un total de trois bonus permanents, différents selon votre choix. Ces bonus s’appliquent soit aux auriges (notamment leur résistance aux coups), soit aux chevaux (leur santé ou leur endurance, par exemple) ou encore aux chariots de vos auriges (principalement pour la solidité de ceux-ci). Ce choix fait, vous arrivez à la carte du monde. Sept régions vous sont proposées : Gaule, Italie, Macédoine, Syrie, Egypte, Afrique et Espagne. Dans chaque région, plusieurs villes sont sélectionnables, de différent niveau. Au début de vos parties, vous ne pourrez accéder qu’aux courses de niveau 1. A vous de gagner de plus en plus de courses, pour gagner un maximum de réputation, afin de pouvoir accéder aux villes de niveau supérieur !

polanball qvadriga
Enfin, avant de rentrer dans l’arène, il vous reste un dernier écran à bien examiner : il s’agit de la gestion de votre équipe. C’est là que vous verrez l’état de santé de vos auriges, de vos chevaux et de vos chariots, que vous pourrez soigner les blessés et réparer les dégâts ou encore acheter de nouvelles montures et recruter de nouveaux conducteurs. Car oui, si vous avez bien lu le point culture de début d’article, les auriges peuvent mourir pendant la course. Les manières ne manquent pas : lacéré à mort par un autre concurrent, traîné par son attelage après s’être retourné… C’est la même chose pour les chevaux : si vous les fouettez trop, ils peuvent mourir sur la piste et après, il vous faudra en racheter. Enfin, vous choisissez l’aurige qui défendra votre équipe pour la course. Tout est prêt, en route pour l’arène !

 

Malococsis, faites moi confiance. Je ne suis pas charagiste !

La course en elle-même est l’élément le plus stressant, technique et jouissif du jeu. Tout d’abord, vous êtes informés de l’événement unique de course : différent à chaque épreuve, il va influer sur votre style de jeu. Cela peut être une bonne nouvelle – vous bénéficiez de l’accélération maximale pendant un court instant – comme une franche galère – vos chevaux sont malades et ne réagissent pas à vos coups de fouet… -. Un course se joue, en règle générale, sur trois tours, sauf événement unique indiquant le contraire. En tant que joueur, vous verrez la course en vue du dessus, et vous pouvez déplacer l’écran afin de voir si la piste est libre afin d’anticiper d’éventuels obstacles sur votre couloir.

Une course disputée
Une épreuve dans Qvadriga se déroule en tour par tour simultané. A intervalles réguliers, le jeu va vous demander quel ordre vous souhaitez donner à votre attelage lors du prochain tour. Vous avez toute une panoplie de possibilités : fouetter ses chevaux, se déplacer dans un autre couloir, lacérer un conducteur adverse, ralentir un peu la cadence, stabiliser son char, essayer d’envoyer son adversaire dans le décor, etc. Un fois ce choix effectué, il s’applique pour le tour suivant en même temps que ceux des autres candidats et ainsi de suite jusqu’à la fin de la course. Selon le type de partie que vous choisissez, le tour par tour se présentera de façon différente. En mode « static turns », le jeu se met en pause à intervalles réguliers et vous avez tout votre temps pour choisir la meilleure option pour votre prochain coup. En mode « dynamic turns » par contre, vous n’avez que quelques secondes pour faire votre choix. Ce mode de jeu est pour moi la meilleure façon de jouer : le stress de faire un choix rapidement sans savoir si c’est le bon, voir le résultat d’un choix catastrophique en direct et se maudire en se disant « mais pourquoi j’ai fait ça, bon Dieu ? »…

Lors de vos premiers essais, ce qui va très souvent vous faire perdre sera le retournement de votre char. Typiquement, vous allez faire un choix entre deux stratégies : rester sur l’extérieur de la piste, ce qui vous fera parcourir plus de distance mais vous permettra de stabiliser votre char ; ou prendre les virages à la corde, ce qui signifie moins de distance à parcourir mais une instabilité beaucoup plus forte. Et très souvent, vous prendrez le virage à la corde beaucoup trop vite et… Bam, plus de char. Dans ces cas là, votre aurige va s’accrocher aux rennes de son attelage et va être traîné jusqu’à ce que mort s’ensuive. A moins que vous ne préfériez lui demander de quitter la piste pour le sauver. Mais faites attention au timing : si votre pilote se fait écraser par un autre attelage, c’est la mort assurée.

Vite, il faut choisir !

Vite, il faut choisir !

Qvadriga ne paye pas de mine lors du premier contact et on peut avoir peur de s’y lancer. Mais la mécanique de jeu est très bien ficelée, la tension et le suspense rendent les courses très agréables à jouer. Il est très simple de maîtriser les règles. C’est un jeu sur lequel on prendra plaisir à faire, régulièrement, de petites sessions et je vous le recommande chaudement. Pour les plus intrigués, le site Mundus Bellicus a réalisé une série de vidéos vous présentant le mode campagne du jeu.

Qvadriga - Panem et Circences

Développé par Turnopia, édité par Slitherine Games

Disponible sur Windows (19,99 €), iOS et Android (9,99 €)