Rosalie Blum de Camille Jourdy


Nous sommes dans une ville de province non identifiée, ni trop petite, ni trop grande. Centre ville coquet, pavillons ouvriers, ce pourrait être n’importe quel endroit en France. C’est là que les destins de 3 personnages, un peu paumés mais attachants, vont s’entremêler au grès d’une histoire en trois volets.

Vincent Machot a une vie aux confins de l’ennui. Vaguement amoureux d’une femme qui est partie en stage à Paris et qui depuis lui donne d’évasives et succinctes nouvelles, il rentre tous les soirs dans son appartement de célibataire, avec chat intégré et mère vivant à l’étage du dessus. C’est alors qu’il croise une épicière dont le visage lui est familier. Débute alors une enquête, à la limite de l’obsession, pour savoir qui est cette femme mystérieuse, la Rosalie Blum qui donne son titre à la trilogie. L’histoire bascule alors dans une ambiance « thriller en charentaises », jamais inquiétant mais toujours dérangeant. On rentre de plain-pied dans les inquiétudes de Vincent, entraîné malgré les scrupules qui le rongent par une curiosité plus forte que la crainte d’être découvert. Et d’ailleurs, est-il si discret qu’il le croit? Ne serait-il pas lui même victime d’une filature?

Rosalie Blum ce sont donc trois tomes dont il serait dommage d’en révéler plus sur l’intrigue. Tout au long du récit, une galerie de personnages, jouant les Philip Marlowe de province à tour de rôle, s’y révèle très juste et assez savoureuse. Un grand dadais vaguement dépressif et sa mère siphonnée et œdipienne, une fille éternelle étudiante flanquée d’un coloc’ quepon et de deux copines boulets, et bien sûr Rosalie Blum, femme seule à la vie apparemment sans histoires. L’originalité de cette histoire tient avant tout à son apparente banalité. La recette est parfaitement exécutée, mêlant à la fois des pincées d’onirisme à un réalisme social que ne renierait pas Ken Loach, une histoire simple mais une narration selon plusieurs points de vue différents à la manière d’un Rashômon d’Akira Kurosawa.

Le tout est remarquablement porté par la douceur des traits de Camille Jourdy. Mêlant un style naïf, presque enfantin, à une précision des traits et des détails, la lecture peut se faire plusieurs fois sans déplaisir tant on prend le temps de détailler des éléments qui nous auraient alors échappés. Les couleur pastels de l’aquarelle et une narration sans cadres ni phylactères, venant renforcer l’aspect esthétique de chaque planche, font de cette trilogie une valeur sûre pour tout amateur d’histoires bien racontée. La profession ne s’y est d’ailleurs pas trompée, décernant à Camille Jourdy le fauve d’Angoulême – prix révélation pour le troisième tome. Seul petit hic (pour l’instant en tout cas), les trois tomes nous obligent à bourse délier 3 fois, l’intrigue ne pouvant décemment être lâchée en cours de route. Au prix où est la bédé de nos jours ma p’tite dame!

Rosalie Blum de Camille Jourdy
Tome 1 : Une impression de déjà-vu
Tome 2 : Haut les mains, peau de lapin!
Tome 3 : Au hasard, Balthazard!
Chez Actes Sud BD, 115 p. et 17 € par tome env.