Santons dans la crèche, Noël Peuchère!


2011 année noire pour l’agitation sociale dans le pôle nord. Julian Assange ayant révélé des câbles diplomatiques de l’ambassade étasunienne au pays du Père Noël, on sait déjà que celui que les diplomates appellent « le gros cubi de rouge » a du licencier dans sa politique d’austérité dictée par le FMI. En effet, pour sauver le LapoEuro c’est près de 30% des effectifs d’elfes qui seront mis à la rue, provoquant des mouvements sociaux de grande ampleur et une explosion de la mise sur le marché de steak de renne. Dans ces conditions là, il est difficile de se lancer dans l’achat de cadeaux dispendieux si l’on a un minimum d’éthique et d’empathie pour les peuples opprimés. Afin de soulager leur peine et de ne point gréver votre portefeuille, voici donc pour la liste « suggestion de cadeaux de bac à solde » que vous trouverez sans peine dans les boutiques de la fédération trotsko-Pinault.

 

Hype Hype Hype, Hourra!

Pour commencer, deux suggestions cinématographiques. Bien entendu, budget serré oblige, vous allez être dirigés vers de simples DVD, car, bien que les usagers d’un fournisseur internet (et bientôt téléphonique) libre puissent lire les rayons bleus, l’antique format se révèle plus économique. Nous commençons donc par une session de révision. Pour cela, replongez vous dans le meilleur film d’une « fille de » suintant la Hype, Lost in translation. Certes, Sofia C. est à la base horripilante : célèbre, moue boudeuse et fringues fashion, talentueuse, maquée avec un mec cool d’un groupe de musique versaillais copains de Daft Punk après avoir été avec un clipeux undergroud encore plus cool, c’est presque un sacerdoce de la détester. Mais il faut avouer, avec ce film elle a tapé rudement juste.

D’une part c’est filmé de manière délicate sans virtuosité tape à l’œil mais avec une bienvenue sobriété. La musique accompagne bien le film, c’est indéniable, même si là encore c’est assez branchouille, limite Inrocks, et elle conviendrait tout à fait à une soirée lounge chez des amis créas. Au niveau acteurs hype, tout y est aussi : Scarlett Johansson dans la continuité du rôle qu’elle tenait dans Ghost World en ado moqueuse et paumée, est une jeune fille blasée par un mariage avec un fashion boy. Quant à Bill Murray, que dire à part que dans le rôle de l’acteur rincé qui fait de la pub en japonais avec un air de labrador désespéré, il est parfait. Le fait que le film joue sur la confusion et la mésentente, et malgré une benne remplie de préjugés, on aboutit sur une œuvre singulière et équilibrée, pour un noël entre euphorie et mélancolie.

Lost in translation | Sofia Coppola | Environ 10€

 

Party de plaisir

Euphorie est le mot qui vient pour décrire The party de Blake Edwards. Si on retient souvent plus volontiers de ses collaborations avec le grand Peter Sellers la série des Panthères roses, il est primordial d’œuvrer à la redécouverte de ce film qui gagne à être connu. Délire sixties absolu, il narre les aventures burlesques et catastrophiques d’un Indien lunaire, acteur de second plan, catapulté par une série de quiproquos au sein d’une party regroupant tout le gratin hollywoodien. Le flegme de Peter Sellers, sa gestuelle et les situations (Birdie Num Num?) font que ce microcosme va être amené à imploser dans une sorte de happening pop superbement soutenu par la BO de Henry Mancini (mention spéciale à Nothing to lose chanté par le délicieux accent frenchie de Claudine Longuet et qui nous offre là une des plus belles séquences). Ce film a au passage un fort lien de parenté avec Playtime de Tati (antérieur et donc probablement « inspiration » pour Edwards) dans son côté « gaffeur lunaire grain de sable » avec un arrière goût mélancolique sur la solitude et la vacuité de l’humain, mais plutôt que de les opposer je vous invite plutôt à comparer par vous-même…

The party | Blake Edwards | 10€

 

La bible ne fait pas le moine

En ces temps de recueil qu’est la période de noël, où chaque dimanche est dédié à l’introspection spirituelle et non aux achats compulsifs dans une ambiance de franche camaraderie et de solidarité, que de tel que de se pencher sur la Bible? Et pas de n’importe quelle manière : je vous propose d’y plonger tout habillés. Pour cela nous aurons pour guide A.J. Jacobs, le bien nommé, qui a décidé, comme tout bon journaliste américain qui se respecte, de vivre l’expérience jusqu’au bout en suivant tous les préceptes du Livre au sens littéral. Ça donne L’année ou j’ai vécu selon la Bible, ou L’humble quête d’un homme qui chercha à suivre la Bible aussi littéralement que possible. De l’exquise sensation d’une barbe de prophète aux complications sans nom pour ne JAMAIS s’asseoir sur le même siège qu’une femme « impure », de la meilleure technique pour lapider les adultères au type de franges à coudre sur sa tunique, vous saurez tout pour être le plus scrupuleux suiveur du Livre le plus contradictoire de l’histoire. Vous avez là une lecture hilarante, philosophique, intriguante, effrayante, poignante, mystique, mais fondamentalement passionnante.

L’année ou j’ai vécu selon la Bible | A.J. Jacobs | Actes Sud | 9,90€

 

Le livre gratuit, ça n’a pas de prix

J.H. Fabre présente ses images exclusives sur l'affaire DSKfard

Et puisqu’une camarade a parlé en ces pages de liseuses électroniques, si après un tel achat dispendieux vous voulez le remplir de contenu, je vous invite à vous intéresser de plus près à l’entomologie. Quoi? Comment? Ces bêtes répugnantes?  En effet, bien que le e-lecteur bénéficie à peu près de tous les grands classiques de la littérature française de manière gracieuse grâce aux droits d’auteur tombés dans le domaine public, je vous oriente non pas vers Honoré « comédie humaine » de Balzac ou Jules « name dropping 120 ans avant Brett Easton Ellis » Verne mais vers Jean Henri Fabre, personnage fort attachant, qui a transformé l’étude des insectes en incroyables aventures.

Dans ses Souvenirs Entomologiques vous n’aurez en effet pas de description des palpes maxillaires ou des tarses, on n’est pas dans la science dure mais bien dans un ouvrage narré par un conteur de première. Observateur méticuleux, il n’a eu de cesse au long de ses écrits de décrire les mœurs et les coutumes de bien étranges bestioles, de guêpes transformant les sauterelles en morts-vivants aux terribles tarentules en passant par l’obstiné scarabée bousier, fasciné par leur capacité sans fin à inventer des stratagèmes miraculeux. D’autant que l’Homme, dans une fin de 19e siècle ou l’étude des insectes n’était pas rentrée dans les laboratoires, a eu, malgré quelques erreurs dues à son approche empirique et une vision de la nature un peu old school, des intuitions et des théories qui préfiguraient les études sur les comportements animaux. Et surtout c’est en téléchargement libre, gratuit et légal, donc ruez vous de vos six pattes sur ces mémoires.

Souvenirs Entomologiques | Jean Henri Fabre | ebook | Gratuit

 

Secouez la Pulp

Pour finir je vous propose de quoi vous remuer un peu le derrière et vous chatouiller les oreilles. En commençant d’abord par un groupe au nom aussi fruité que ce webzine, j’ai nommé Pulp. En 1995 sortait en effet Different Class. Et on peut dire que ce disque porte bien son nom. Au milieu d’une guéguerre stérile entre Blur et Oasis, Jarvis Cocker et ses potes nous montrent ce qu’est un vrai disque de pop anglaise, old school, des gars des bas quartiers qui s’habillent chic et qui sentent l’alcool des fins de soirées. Entre chansons dansantes et roucoulades dandy, les guitares lascives aux riffs syncopés et les arrangements tweed-synthés font mouche et nous font inévitablement battre du pied, comme un rosbif rouquin s’encanaille après la classe  en ouvrant les boutons de chemise de son uniforme de collégien britannique. Mention spéciale à l’absolu tube Common People et ses aventures amoureuses entre un prolo et une jeune fille bien, qui suinte l’ironie et la colère dans un morceau qui augmente en intensité, comme une bonne poignée d’indignés de Wall Street.

Different Class | Pulp | environ 10€

 

Papa, Maman… Je suis (Marvin) Gaye!

Pour redescendre cette tension artérielle qui vous est montée telle la sève dans l’arbre du printemps après quelques pas de danse endiablée, tournez vous vers Marvin Gaye et son What’s goin on. Faisant partie de la sainte trinité soul avec Sam Cooke et Ray Charles, le père Marvin, roi de la coke et des pantalons en satin moule poutre, était quand même un type  formidable. Tête d’affiche de l’écurie soul sucrée de Tamla Motown, le son de Detroit, il s’est permis le luxe de tenir tête à son tout puissant patron Berry Gordy pour sortir un disque aux antipodes de ce que produisait le label. Fini les bluettes pop aux rythmiques impeccables mais aux paroles fades. Avant tout le monde, il sort en 1971 un album concept sur des sujets qui le tiennent à cœur. Pauvreté, Vietnam, corruption, drogue, écologie, difficultés des rapports père-fils, ces thèmes qui auparavant étaient abordés de façon détournée dans les chansons sont ici citées frontalement, affrontées pour mieux les exorciser. Le tout servi dans une production aux petits oignons, avec le meilleur des artificiers sonores de l’écurie réunis pour satisfaire les désirs d’un Gaye Auteur-Compositeur-Chanteur-Choriste-Producteur, pour au final un album aussi grave que serein, aussi engagé qu’apaisant. Carton lors de sa sortie, écrin de tubes tels que la chanson-titre, What’s Happening Brother ou Mercy Mercy Me, il est depuis devenu un classique incontournable de toute discothèque. Et donc un cadeau impératif.

What’s goin on | Marvin Gaye | environ 10€

Joyeux Noël.