Supergod, des Dieux et des hommes morts


Aucun substitut phallique électriquement vibrant n’a été blessé durant l’élaboration de cette chronique

Supergod est le dernier volet du triptyque de Warren Ellis, avec Black Summer et No Hero, ils forment une véritable réflexion sur les super héros sous toutes leurs facettes. Black Summer racontait les déboires et les états d’âmes d’humains aux pouvoirs surpuissant qui luttent contre le pouvoir en place et la politique, des préoccupations humaines en sommes. Pour comparer disons qu’on reste à une échelle Batmanienne. No Hero quant à lui évoquait des super héros qui perdent leur humanité pour devenir des monstres sanguinaires complètement psychopathes voire même sociopathes, en ce sens qu’ils ont encore conscience que ce qu’ils font aux autres est mal et malsain. On passe à une échelle Hulkienne, moins réaliste mais plus destructeur.

Supergod est l’étape suivante, les hommes ont créée des sur-hommes si évolués que pour le commun des mortels ils peuvent passer pour des Dieux destructeurs qui ont provoqué la fin du Monde. Leurs actes sont tels qu’ils rendent les massacres et horreurs de la Seconde Guerre Mondiale aussi anodins qu’un enfant qui écrase une fourmi. Ici l’échelle est celle d’un superman sous stéroïdes assez proche du plutonien de Irrécupérable de Mark Waid et Peter Krause.

 

La fin du Monde en toute sérénité avec Ellis Prévoyance

Le narrateur est un scientifique qui est un des derniers survivant de la fin du Monde. Il est sur les bords de la Tamise, ce fume un joint, avale quelques anti-fongiques et raconte via une oreillette comment la Terre en est arrivée là.

Warren Ellis se questionne sur la nécessité que semble avoir l’Humanité de croire en quelques choses à tout prix. Il remet en cause les religions et les ridiculise toutes. Mais pas seulement les religions, il remet en question et se moque de toute la géopolitique mondiale actuelle. Dans son récit tous les pays connus pour leur course à la puissance nucléaire présente ou passée, sont raillés et cités. Ici l’arme nucléaire a été remplacée par des super humains, chaque pays y va de sa création.

Chaque création à des pouvoirs différents mais tous ces dieux physiquement crées par l’Homme sont finalement identiques dans leurs pouvoirs de destruction et leur omniscience. Ils peuvent manipuler la matière en général, ou les matières organiques, générer de l’entropie ou faire des hommes des pantins lubriques. L’Inde, le Royaume-Unis, les États-unis, la Russie, le Pakistan, l’Irak, la Chine et l’Éthiopie, ils ont tous au moins un nouvel être supérieur et chacune de ces nations va être détruite ou subir les pouvoirs de ces êtres surpuissants dont les pouvoirs dépassent l’entendement et la compréhension humaine.

 

Hammer Time !

A toutes ces réflexions et leur interprétations possibles se joignent une tripotée de références de la pop culture ou de la culture tout court. De l’homme qui valait 3 milliard, Steve Austin à Cthulhu le dieu crée par H.P Lovecraft en passant par le Docteur Manhattan de Watchmen. On pense aussi beaucoup à Frankenstein de Mary Shelley, cette créature qui dépasse son créateur et se rebelle contre lui. Comme il est question de dieux, un certain nombre de mythologies sont mentionnées dont entre autres l’hindoue, la celtique ainsi que différentes religions comme le rastafarisme, l’Islam ou le christianisme.

Pour ce dernier tome de la trilogie, Warren Ellis a fait faux bond à Juan Jose Ryp pour s’associer au jeune Garrie Gastonny, le dessin y perd en finesse, en qualité et surtout en violence mais le récit gagne en profondeur. Black Summer et No Hero étaient déjà très adultes et très bien écrit mais la portée de Supergod est bien plus grande, politiquement, religieusement et humainement. Ici la violence graphique a cédée la place à la violence des concepts et des idées.

Qui surveille les gardiens du Punk?

Lors de sa sortie Black Summer a été un peu sur vendu et très vite comparé au cultissime Watchmen : les gardiens d’Alan Moore, si à l’époque c’était un peu surestimé, il faut dire que Supergod se rapproche de la portée du chef d’oeuvre d’Alan Moore. Et si on prend la trilogie de Warren Ellis dans son ensemble, il est a un tel niveau de qualité scénaristique qu’on peut dire qu’il signe ici son équivalent de Watchmen.

Le niveau de Warren Ellis sur ce comic book est proche de ce qu’il peut offrir sur son autre série Planetary, c’est intelligent, référencé, amusant, magistral et terriblement punk.

Warren Ellis démontre encore ici qu’il est l’auteur de comics le plus punk-nihiliste-iconoclaste en activité, de Transmetropolitan à Planetary en passant par Desolation Jones ou FreakAngels, il se forge une œuvre marquante, personnelle, cohérente et jouissive que l’on adore lire.

Supergod est un comic book qui va très certainement devenir culte, le propos est passionnant, c’est très drôle, il y a de l’action et ça fait réfléchir, que demander de plus ?

 

 

 

Supergod

de Warren Ellis et Garrie Gastonny

Avatar Press (US) | Milady Graphics (FR)

128 pages - 15 euros

20 mai 2011