Xenoblade Chronicles, la magnifique conclusion de la Wii


Voilà. Ma première partie de Xenoblade Chronicles est terminée, après cent-quatre heures de jeu. Ces derniers jours j’en étais presque à ne pas vouloir m’engager plus avant vers l’ultime combat, histoire de continuer mon vagabondage un peu plus longtemps… Il a fallu, quand même, se décider à aller mettre un terme aux agissements du méchant de l’histoire. Une fois ceci fait, une mélancolie s’est diffusée en moi, me projetant bien des années en arrière, lorsque s’était affiché l’écran de fin de Secret of Mana – les vrais savent. Xenoblade Chronicles a cette envergure-là, exactement.

 
À ma grande honte, j’ai découvert Xenoblade Chronicles par l’intermédiaire de Super Smash Bros for Wii U, parce que Shulk, le personnage principal de Xenoblade Chronicles, fait partie du roster de personnages jouables. (Grand jeu que SSMB4, malgré les DLC à gogo, mais passons.) Shulk donc, qui m’était inconnu, m’intrigua ; je décidai d’enquêter. « Queuwah ?, m’écriai-je ensuite, dans une convulsion du larynx. Un JRPG (jeu de rôle japonisant) considéré comme l’un des plus grands jamais sortis, et je serais passé à côté ?! » À ma décharge, Xenoblade Chronicles étant sorti en Europe au milieu de l’été 2011, j’étais alors pauvre comme Job. Aujourd’hui que je suis un peu moins pauvre et avec un job, j’ai été en mesure de rattraper mon retard.

Je le précise d’emblée : la version que je possède est celle disponible en téléchargement sur l’eShop de la Wii U. Nintendo a décidé de ressortir le jeu sur sa plate-forme de vente, à la grande surprise de tout le monde, le 5 août dernier. Étant donné que la version Wii n’est plus éditée – on la trouve d’occasion en ligne autour d’une centaine d’euros –, c’est une très bonne nouvelle, et beaucoup se sont empressés de le faire savoir. Surprenant également parce que le jeu est disponible pour la New 3DS depuis avril 2015. La raison se situe certainement en la sortie de Xenoblade Chronicles X en décembre prochain. Petit plus très appréciable, cette version de la console virtuelle accepte l’utilisation du GamePad, bien que l’écran soit inutilisé.

Xenoblade Chronicles – Bionis vs. Mekonis

Le duel des dieux – Mekonis vs. Bionis

« Behold the power of the Monado ! »

L’histoire dans laquelle on embarque est titanesque. C’est-à-dire que l’on assiste en guise de prologue au duel de Bionis et Mekonis, deux gigantesques entités qui en viennent à se neutraliser. Et c’est sur leurs deux corps que s’est développée la vie : Bionis pour la vie organique, Mekonis pour la mécanique. Des milliers d’années plus tard, les Homz luttent contre les Mékons, sorte de robots, avec la seule arme capable d’atteindre lesdits Mékons, l’épée Monado. À ce moment de l’histoire on retrouve le fameux Shulk, Homz de la Colonie 9 – ville localisée sur le genou de Bionis –, scientifique de son état, étudiant cette mystérieuse Monado.

Le récit est conçu dans le moule du nekketsu, archétype de manga où le héros, généralement masculin, s’engage dans une quête initiatique pour vaincre le Mal. Qui est derrière cette volonté d’extinction des Homz ? Et pourquoi ? Comme tout bon manga à rebondissements, ce ne sont que les premières questions parsemant le chemin de Shulk, l’élu pouvant manier sans risque Monado. Ses amis n’échappent guère aux schémas attendus, avec Fiora l’amie d’enfance concevant un amour platonique, l’autre ami d’enfance, Reyn, volontaire et tête brûlée, Dunban l’homme posé, ancien détenteur de la Monado… Les scènes cinématiques approfondissant les relations entre les personnages sont très vivantes et vraiment intéressantes – contrairement, au hasard, à Final Fantasy XIII, qui inspirent l’ennui et sont d’une niaiserie insupportable. On est vite pris par l’histoire, le rythme est soutenu, c’est sincèrement un point positif.

Le sentiment de liberté qui émane de ce jeu équivaut à celui que j’ai connu la première fois que j’ai mis les pattes sur le fabuleux Final Fantasy XII ; excusez-moi d’apprécier le monde d’Ivalice. (Troublant comme le chara-design de Xenoblade Chronicles m’a fait remonter celui de Vagrant Story en mémoire.) Un simili-MMORPG par son ampleur, donnant des petits coups de coude signifiant « Hé ! Psst ! Qu’est-ce qu’il y a dans cette caverne ? Tu ne veux pas aller voir ? ». Vous remontez un chemin onduleux tracé entre deux falaises, étrangement la musique est absente, et vous débouchez soudain à l’entrée de la plaine de Gaur, la musique éclate, vous êtes sidéré par l’horizon qui se perd tout là-bas, Bionis qui vous surplombe d’encore plus haut et loin, vous sautillez comme un cabri dans les herbes folles. Vous ne savez plus où donner de la tête. Oui, vous êtes désormais prisonnier du jeu. En aparté, vous vous dites : « Punaise, c’est de la Wii… De la Wii ! »

La fameuse plaine de Gaur, sur la jambe de Bionis

La fameuse plaine de Gaur, sur la jambe de Bionis


 

« Yeah ! Reyn time ! »

L’un des aspects qui m’ont le plus frappés dans Xenoblade Chronicles est indubitablement cette sensation que tout est goupillé. Rarement j’ai ressenti une telle maîtrise dans l’ensemble des mécanismes d’un jeu ; le gameplay est de l’ordre de la minutie d’un horloger suisse. Il n’est pas difficile d’être dépassé par la générosité du jeu, et celui-ci en est bien conscient en délivrant un gros effort de pédagogie.

Au combat, trois de vos personnages sont constamment sur le terrain, sur les sept jouables. Vous ne contrôlez que le leader au front et dans les interactions avec les personnages non jouables (PNJ). Cependant, Xenoblade Chronicles intègre un sociogramme, un concept mettant en place l’évolution de l’affinité entre les sept protagonistes. Très important dans la mesure où pendant les combats, une jauge de tension se remplit, qui vous permet une fois remplie d’enclencher des combos sans être interrompu par les adversaires. L’enchaînement s’allonge potentiellement selon le niveau d’affinité (il y en a cinq) entre les personnages, ce qui est appréciable contre les boss, notamment.

Les Arts sont les coups spéciaux de chacun de vos personnages, en plus des coups classiques donnés par les armes. Ils se débloquent à mesure que vous montez de niveau, mais vous ne pourrez qu’en utiliser huit au combat. Ils sont de plus améliorables en achetant et en récupérant des manuels d’apprentissage. L’occasion de dire ici que beaucoup, beaucoup de choses sont améliorables dans Xenoblade Chronicles, que trois types de points d’expérience s’acquièrent au combat ou en découvrant les zones, secrètes ou non, du jeu. Et je ne ferai que mentionner le système de gemmes, cousin germain de celui des matérias de Final Fantasy VII.

Un affrontement-type contre un Mékon.

Un affrontement-type, ici contre un Mékon.


 

Périlleux exercice que l’intégration de visions du futur dans une narration, plus délicat encore quand elles font partie du système de combat ! Liées à l’histoire du jeu, ces visions déclenchées par l’épée Monado surgissent brusquement lorsque vous vous retrouvez à la merci d’un adversaire. Vous avez alors un temps limité pour éviter la mort d’un compagnon. Sympathique bouffée de tension supplémentaire, alors que déjà vous êtes salement entouré.

Mystic Quest

Les quêtes de Xenoblade Chronicles, un autre gros morceau. Plus ou moins intéressantes : aller récupérer tel objet ici, battre telle quantité de monstres là… Elles se comptent par centaines. S’en priver vous affaiblirait furieusement, sans omettre de dire que vous passeriez à côté d’une énorme part du charme du jeu, au même titre que les quêtes annexes de The Legend of Zelda – The Wind Waker. Un crime, vous dis-je ! Pour revenir au sociogramme, celui-ci incorpore également un tableau des PNJ prénommés que vous rencontrez dans le jeu, et affiche les sentiments qui prédominent leurs relations. Les quêtes offrent la possibilité d’augmenter votre popularité auprès de ces populations rencontrées, qui vous donneront accès à des objets plus précieux dans le troc et d’autres quêtes plus gratifiantes… D’autant que vous aurez une ville à reconstruire, comme dans Bravely Default.

Les quêtes qui sont pour la plupart directement liées aux objets que vous récupérez, aussi bien après un combat que par les « orbes bleues » parsemant les vastes étendues du jeu… Une encyclopédie recense les objets recueillis dans les différentes zones, avec des bonus si vous les complétez. Le jeu a une lacune sur cet aspect : il est tellement gargantuesque dans son contenu qu’un bestiaire n’aurait pas été du luxe.

Bienvenue au Village frontière !

Bienvenue au Village frontière !


 

En parlant de bestiaire, Xenoblade Chronicles a la bonne idée d’inclure des monstres uniques, c’est-à-dire non pas des boss, mais des monstres semblables à ceux que vous trouvez en traversant les environnements du jeu, avec des caractéristiques supérieures « à la normale ». Deux moyens de savoir que vous avez affaire à ce genre de bestiau, c’est que d’une, ils ont un nom à l’instar des PNJ, de deux, la musique de combat est différente. Vous gambadez par exemple dans la plaine de Gaur, toujours la même, vous êtes niveau 12, vous commencez à vous sentir à l’aise, à éclater des bombux et autres volfs à la volée, quand soudain la musique change, vous vous retrouvez face à Barbarossa le Veilleur, niveau 81. Vous ne l’attaquez pas, vous fuyez, en espérant qu’il ne vous assomme pas d’un seul coup de poing. Après cet épisode traumatisant, à chaque fois que le thème des monstres uniques rugira, je vous garantis des frissons.

« I’m feeling it ! »

Quelquefois, ça se voit que c’est de la Wii. L’aliasing est (trop) présent, des ralentissements se font sentir lorsque l’écran est submergé d’effets pyrotechniques et d’un trop-plein d’ennemis. La console est poussée dans ses retranchements, selon l’expression consacrée. Mais l’on outrepasse ces menus dérangements, on les envoie valser d’une chiquenaude et l’on contemple le reste, ce travail énorme accompli par Monolith Soft.

Coutumier de créer des jeux de cette envergure, Monolith Soft : Xenoblade Chronicles est le successeur spirituel de Xenogears (avec à la suite Xenosaga), titre paru sur PlayStation première du nom, sous la bannière de Squaresoft. Une partie de l’équipe a ensuite fondé Monolith Soft, studio appartenant aujourd’hui à Nintendo. Il y a tout un savoir-faire accumulé avec les années, et un nom qui revient en permanence, Takahashi Tetsuya. Le genre de bonhomme à s’être fait la main sur Final Fantasy V, Final Fantasy VI, Chrono Trigger.

 

La bande originale apporte sa pierre au monument, il a d’ailleurs fallu travailler en synergie afin de la concevoir, car trois membres, que sont Shimomura Yōko, le groupe ACE+ et Kiyota Manami (avec la participation fugace de Mitsuda Yasunari, pour la raison qu’il a travaillé sur les précédents Xeno) se sont répartis les tâches. Shimomura, elle, apportait bien évidemment ses violons et surtout son piano – il m’arrive parfois à l’écran titre de laisser le thème principal se jouer. ACE+ s’illustre davantage dans les moments d’exploration ou de tension du jeu – la plaine de Gaur ou le thème des monstres uniques, joués plus haut –, comme par exemples le thème des monts Valak de nuit, que je trouve particulièrement bien adapté au lieu et aux changements qui s’opèrent, une fois le soleil couché, ainsi que la tranquille marche militaire de l’usine centrale. Kiyota s’est concentrée sur les environnements du jeu, bien plus folk et posée, en témoignent la jungle de Macuna et les marais de Sator de nuit.

J’ai privilégié le doublage anglais – d’excellente facture, tout comme le japonais ; les sous-titres sont quant à eux en français. Le jeu permet de passer au japonais quand on le souhaite. Mais pour une première immersion, l’anglais, que je maîtrise infiniment mieux que le 日本語, me paraissait plus indiqué pour comprendre les subtilités du jeu, notamment les dialogues drôlatiques d’après-combat, et l’irrésistible accent de Reyn. Yew see that, eh ? Allez, le doublage japonais sera pour le New Game +…

Qu’est-ce qu’au final Xenoblade Chronicles ? Un jeu où l’on se sent bien, qui pue le respect du joueur et du travail bien fini. Quel pied mes amis.

Shulk et Reyn admirent au loin Mekonis.

Shulk et Reyn admirent au loin Mekonis.


 

Début décembre paraît Xenoblade Chronicles X, sur Wii U, précisais-je en exorde. Je me suis renseigné, la taille de la carte du monde quintuple par rapport à son prédécesseur. L’OST est signé Sawano Hiroyuki, le bonhomme qui compose celle de l’anime de L’Attaque des Titans, et elle est épique. Puis, surtout, il y a des robots… Day one ! comme on dit. Il est probable que je revienne sur le jeu, après quelques centaines d’heures de déambulation. En attendant, je vous souhaite bien du plaisir…

Bonus : si jamais vous possédez Super Mario Maker, le modeste rédacteur que je suis a conçu un niveau hommage à Xenoblade Chronicles. Ce n’est pas un niveau à terminer à toute vitesse, il est davantage centré sur l’exploration. Voici son ID : 5596-0000-0037-0A3E.

Xenoblade Chronicles
Monolith Soft, 2011
Disponible sur Wii, Wii U (téléchargement), New 3DS (carte SD ou téléchargement)