Beginners, une petite bouffée d’air frais et d’optimisme


Avec son héros adorable (évidemment, il s’agit d’Ewan McGregor) mais aussi trop romantique, Beginners est un petit film qui fait penser à Eternal Sunshine of the Spotless Mind ou encore (500) Days of Summer ((500) jours ensemble).  On s’attache quasi-instantanément à Oliver, un garçon qui a de sérieuses difficultés à interagir avec les autres humains et qui a pour seul ami Arthur… le chien de son père Hal (Christopher Plummer). Si les premières scènes du film nous font craindre un personnage artificiellement touchant il n’en est finalement rien, loin de là, et la douceur du film nous envahit petit à petit.

Beginners c’est donc l’histoire de débuts : d’abord avec Oliver, un designer qui tente de faire le deuil de son père Hal, et qui doit réapprendre à vivre sans le poids d’un père malade d’un cancer en phase terminale. C’est l’histoire de Hal, 75 ans, qui fait son coming-out après la mort de sa femme (Mary Page Keller) et découvre la communauté gay. Ce sera là un nouveau départ qui permettra à Oliver de redécouvrir un père absent durant son enfance et d’établir une nouvelle complicité. C’est enfin l’histoire d’Anna (Mélanie Laurent) et d’Oliver qui devront accepter de lâcher leur solitude pour une vie à deux.

Mike Mills a décidé de raconter tous ces cheminements à travers une chronologie éclatée faisant se côtoyer moments tristes et moments heureux, mais dans tous les cas toujours tendres ; et c’est ici que Beginners est une petite bouffée d’air frais : quand les comédies romantiques « indé » ont tendance à suivre des personnages qui ne parviennent pas à mener une relation amoureuse de manière un tant soit peu normale/saine, Beginners part du même principe mais garde pour une fois un ton résolument optimiste jusqu’au bout.

Mais il faut bien dire que le principe des va-et-vient temporels c’est assez « in » depuis quelques années, et ce n’est pas ce qui hisse Beginners un poil au-dessus des autres petits films indépendants. C’est son aspect visuel qui s’en charge, et son importance vis-à-vis de la narration elle-même.

L’image plus importante que le mot

Mike Mills est graphiste designer avant toute chose (il a notamment travaillé pour des groupes comme Air) et il s’agit d’ailleurs de son propre travail qu’il nous est donné de voir à travers les œuvres d’Oliver ; mais l’usage du visuel va plus loin que ces simples auto-références : au lieu de trop utiliser la voix off pour exprimer les pensées d’Oliver, Mills nous les fait littéralement voir ! Quand Oliver entend une infirmière annoncer à son père qu’il a une tumeur grosse comme un « quarter », la caméra se tourne vers Oliver avant que l’image d’une pièce de 25 cents apparaisse sur fond noir à l’écran. Retour sur Oliver, puis de nouveau l’image d’un quarter sur fond noir, d’autres quarters s’ajoutant au premier, une métaphore pour la métastase tant redoutée.

Les photos sont également très présentes quand Oliver compare son époque à celle de ses parents. Le film se passe en 2003, et étant donné qu’il s’agit du présent de la narration, les images bougent ; mais quand Oliver parle d’un temps qu’il n’a pas connu, comme les années 50, nous ne voyons plus des images mouvantes mais des successions d’images statiques, toutes droit sorties de magazines ou de publicités d’époque. Mike Mills exprime ainsi la subjectivité de la narration à travers les yeux d’Oliver, dont la réalité est influencée par les fantasmes d’une autre époque.

La subjectivité du film est également flagrante dès que l’on se penche un peu sur l’histoire personnelle de Mike Mills : il se trouve que le personnage de Hal est en fait une projection de son propre père. Dans plusieurs articles concernant la dimension autobiographique de Beginners (comme sur AIGA ou sur le New York Times) Mills a déclaré qu’il lui semblait plus facile toucher le public en parlant de choses vécues. Et c’est chose faite!

Un film sincère, tout simplement.

Au-delà de la véracité autobiographique, il se trouve que le casting joue énormément dans la réussite qu’est Beginners. Pour tous ceux qui comme moi auraient fait une overdose de Mélanie Laurent, tout particulièrement depuis sa très médiocre performance dans le tout aussi médiocre Inglorious Basterds, elle est ici tout à fait à sa place. Il semble exister une réelle complicité entre Mélanie Laurent et Ewan McGregor, et cela ne fait que rendre le couple plus attachant. Christopher Plummer livre également une performance toute en justesse, là où le ridicule aurait pu si facilement l’emporter. Les seconds rôles, parce qu’ils sont également basés sur des personnages réels, sonnent justes en quelques touches à peine. Tout ceci sans parler du chien Arthur qui ajoute un peu de fantaisie en dialoguant avec Oliver télépathiquement (et dont on lit les pensées en sous-titres.)

Beginners finit forcément par raisonner en nous d’une manière ou d’une autre et nous arrache de petits sourires attendris de ci de là. Quand l’histoire d’amour entre Anna et Oliver est finalement presque assez classique, Beginners nous touche en fait beaucoup en parlant de l’autre histoire d’amour, filial cette fois, entre Oliver et Hal. Bref, Beginners est un petit film au cœur gros comme ça et c’est bien cela qui fait sa force.

 

Beginners de Mike Mills
Avec Ewan McGregor, Christopher Plummer, et Mélanie Laurent
En salles depuis le 15 juin 2011