Extrêmement fort irritant et incroyablement près de m’énerver
Depuis le temps que j’écris pour Mandorine, je pense avoir démontré que j’ai su garder mon âme d’enfant et que j’ai développé une certaine tolérance pour les enfants agaçants. Une sensibilité, une habitude et une vague immunité acquises et forgées par la pratique et l’immersion pendant des années en milieu hostile aux adultes : une cour d’école primaire pendant la récréation.
Sur ces pages j’ai traité d’un vampire bloqué dans un corps d’enfant dans Je suis un vampire, ou d’un enfant traumatisé qui trouve un exutoire dans Evil Heart, ou de la ressassée de Full Metal Alchemist qu’est D.Gray Man avec son gamin crétin. J’ai aussi évoqué le petit Bode de Lock & Key un personnage bien amusant, lui qui ne s’étonne de rien, j’ai aussi parlé d‘Hugo Cabret ce David Copperfield qui fait tout pour éviter de devenir un Oliver Twist et accomplir le rêve de son père. Je vous ai aussi livré mes réflexions sur la condition des enfants autistes socialement inadaptés et j’ai essayé de démontrer que les enfants savent penser différemment avant qu’on les formate. Récemment j’ai mentionné ces films d’aventures épiques qui plaisent à tous ceux qui veulent encore rêver. Pour ainsi dire, jamais Ô grand jamais je n’ai eu de problème avec le caractère d’un gamin.
Même Kevin Bannister, Anakin Skywalker dans La menace Fantôme ou le fils de Tom Cruise dans La guerre des Mondes et même Daniel Radcliffe dans Harry Potter, pour agaçants qu’ils soient tous, aucun ne m’a rétrospectivement posé de problème.
On pourrait évoquer aussi la catégorie des gamins méga flippants, Les enfants du maïs, Le village des damnés, La malédiction, Dark water, Vinyan, L’orphelinat ou le récent La dame en noir. Autant de films parmi tant d’autres qui comportent des bambins dont le souvenir vous empêchera de dormir pour longtemps. Pourtant, même si on pourrait leur en vouloir, finalement on ne leur en tient pas rigueur.
Je suis et je resterai un fan devant l’éternel de Calvin et Hobbes de Bill Watterson, une des meilleures bande-dessinées comiques qui soient. Les strips frôlent le génie à chaque instant, on ne reprend son souffle après avoir ri aux larmes que pour commencer le strip suivant les yeux encore embrumés par l’excellence du précédent. Inventive, fantastiquement vraie, simplement brillante, Calvin et Hobbes a le pouvoir de réflexion de Mafalda et ce que perd le petit blond de pamphlet de résistance politique de l’Argentine, il le gagne en folie imaginative.
Coté Série TV Malcolm in the Middle est pour moi (mais je ne suis pas le seul évidemment) la meilleure série comique des dernières années, en termes de comédie, d’écriture, de chronique de l’enfance, d’histoire de famille etc. Un chef d’œuvre télévisuel de sept saisons. Chaque personnage mériterait sa propre série mais l’alchimie entre tous est telle que ce serait comme séparer les ingrédients d’un dessert succulent, superflue et hasardeux. Et en plus il y a Bryan Cranston.
Tout ça pour dire, et j’en arrive enfin au cœur de l’article, j’ai détesté le personnage principal de Extrêmement fort et incroyablement près. Le film, adapté du roman de Jonathan Safran Foer, raconte l’aventure d’un jeune garçon sur les traces des dernières pistes que son père mort le 11 septembre dans le World Trade Center lui a laissées.
Le réalisateur Stephen Daldry est un spécialiste des adaptations de livres puisqu’on lui doit Billy Eliott, The Hours et The Reader. Un enfant agité qui veut danser, des destins croisés autour d’un livre et une histoire d’amour avec une nazie. Histoire d’équilibrer son karma, il raconte maintenant l’histoire de cette famille juive endeuillée par les attentats du 11-S.
Le petit garçon du film est l’empereur des enfants les plus énervants de la planète, on passe le film à vouloir lui mettre des baffes et lui dire de se taire ou de réfléchir avant de parler. J’ai d’abord pensé que pour être un tel petit furoncle sur la face de la bienséance, il fallait considérer son deuil et son possible état d’autiste. Mais le personnage lui même nous indique qu’il a passé des test qui ont exclu un Asperger. Reste la question du deuil, mais est-ce que le malheur est un passe-droit pour tous les caprices et toutes les excentricités ? Pas sûr.
Comme si ça ne suffisait pas, le film verse continuellement dans le pathos, toutes les cinq minutes on essaie de nous attendrir ou de nous faire pleurer. Et quand, comme c’est mon cas, on n’éprouve de prime abord aucune sympathie pour ce personnage, ça devient très vite agaçant au bas mot et ça ne casse pas la baraque.
En perpétuel chantage aux émotions, Extrêmement fort et incroyablement près n’est certainement pas terriblement subtil, ni un hommage fantastiquement juste pour les victimes des attentats, ni honnêtement bien senti, ni indubitablement bon et donc pas nécessairement indispensable. Le bouquin est dans la même veine, alors hormis un témoignage pathétique d’une époque en auto-fiction que peut-on garder de cette œuvre ? Parce que le film bénéficie quand même d’une excellente reconstitution de ce passé proche, décors, tenues, accessoires, tout est magistralement mis en place et on sait qu’on est onze ans dans le passé parce qu’un annuaire papier est primordial à l’intrigue !
Le coté aventures citadines, archéologie urbaine et quêtes paternelles était intéressant sur le papier mais noyé sous les défaut du film, on oublie vite qu’il cherche une réponse et quand enfin la réponse arrive, on se prend à penser « tout ça pour ça! »
Notons qu’il y a quand même de bons acteurs voire même d’excellents acteurs, Tom Hanks, Sandra Bullock, Viola Davis, Jeffrey Wright, john Goodman et Max Von Sydow sont tous formidables. Tom Hanks est le père décédé autant dire qu’on le voit peu, Sandra Bullock est la mère quasi absente et juive (on sait qu’elle est juive parce qu’elle a les cheveux frisés, des grosses lunettes d’intello et qu’elle à l’air inquiet, des signes qui ne trompent pas…) et Max Von Sydow, qui a été nommé aux Oscars pour ce rôle, est un pépé muet, peut être reste-t’il mutique parce qu’il aurait préféré être dans The Artist que dans cette galère.
Donc les enfants c’est cool sauf quand ils se la jouent tête à claque et qu’il entreprennent des quêtes dérisoires outrageusement larmoyantes. Il y a des chefs-d’œuvre sur l’enfance et ce film n’en fait pas partie.