Vagues à l’âme sous le soleil Breton
Chez Mandorine, nous sommes souvent invités aux tapis rouges des plus grands métrages des studios Hollywoodiens, mais nous préférons décliner afin de fréquenter les avant-premières de films plus intimistes, et plus sympathiques à défendre, en tête-à-tête avec l’équipe du film (et les autres spectateurs dans la salle). C’est donc guillerets que nous nous dirigeâmes voir le dernier film d’Olivier Jahan dans lequel joue la sympathique Emma De Caunes, Les châteaux de Sable.
Deuil pour deuil
Les châteaux de Sable donc, ou l’histoire d’une jeune femme, Éléonore (Emma de Caunes), se rendant en Bretagne le temps d’un week-end pour vendre la maison de son défunt père accompagnée de Samuel (Yannick Renier), son ex-amant, qui au vu des circonstances, a su se laisser convaincre. Elle est photographe sans trop de commandes, lui prof d’histoire à l’université plongé dans sa thèse, elle est déboussolée depuis leur rupture, lui a définitivement tourné la page de leur amour, passionnel mais douloureux. A ce duo va s’ajouter, le temps de leur séjour, Claire (Jeanne Rosa), agent immobilière du cru, dont l’envie de vendre la maison va se diluer dans le même temps qu’elle apprend à apprécier ce « couple » singulier.
Avec un tel pitch on pouvait s’attendre à quelque chose de très « français », au sens péjoratif du terme. D’autant que le réalisateur, Olivier Jahan, revenu aux affaires après douze ans sans long métrage, a pris le risque d’y intégrer des effets (voix-off, digressions face-caméra et moments photo arty) qui auraient pu placer le film dans la catégorie « poseur de staïle » et le rendre foncièrement agaçant. Mais la sincérité affichée dans ce métrage, ou l’on sent bien que le sujet tenait à cœur au réalisateur, et la justesse des acteurs, font que la mayonnaise prend plutôt très bien. Et en plus c’est coécrit avec Diastème (oui l’ex de Première époque héroïque ou du mythique 20 ans, le chevelu blasé touche-à-tout, idole de nos années 90), gage de qualité.
Vannes, de Bretagne
Nous voilà donc embarqués dans les beaux paysages bretons avec cet équipage foutraque et indécis, grands ados ayant grandi malgré eux, balancés dans ce monde d’adultes auxquels ils doivent faire face au quotidien, avec son lot de joies, de petits tracas et (surtout) de désillusions. Le travail de deuil est bien entendu la pierre angulaire du récit, avec ce fantôme du père qui semble errer dans la maison (Alain Chamfort, belle surprise dans le rôle de paternel taiseux mais charismatique), mais aussi avec les fantômes de l’amour passé d’Éléonore et Samuel, tout autant présent dans chaque pièce de cette maison bien trop grande et bien trop vide.
Malgré ce thème à priori assez peu joyeux, le film est empreint d’une certaine légèreté, d’un certain flegme même, alternant des scènes avec la délicieuse Jeanne Rosa, dans son rôle d’agent immobilier humaine et sympathique (belle performance, donc), dont le sourire de façade cache une mélancolie certaine, et les face-à-face plus tendus entre nos deux ex-amants. Le tout entre les visites, occasion de voir en chaque client potentiel une galerie de personnages qu’on jurerait tous d’avoir déjà croisé à l’occasion.
L’autre Patriiick
Le tout est mis en image de belle manière, avec une utilisation judicieuse des photos de l’héroïne comme support de narration, ce qui rend le rend assez fidèle à un scénario écrit, selon leurs auteurs, sur un mode « scrapbooking » fait de collages, d’idées et de musique. Et puisque nous parlons du sujet, on peut souligner les superbes morceaux de Patrick Watson, qui habillent de leur mélancolie cinématographique un certain nombre de plans. A la question d’un spectateur du film – votre serviteur donc, mais dont il semble qu’il y en ait eu un représentant dans chaque ville ou l’avant-première à eu lieu – sur le pourquoi du comment, Olivier Jahan nous a narré que dans un geste que nous qualifierons de « JasonLytleien », l’artiste canadien (personne n’est parfait) a bien voulu que tous ses morceaux figurent dans la bande originale du film. Bref, faute de soleil, et sous cette bruine digne de la Bretagne, allez dans les salles obscures tâter du Château de sable.