Noël, avec un Haine


Voici venir Noël et ses cortèges de bonnes intentions, d’amour du prochain et  pleins de calories. C’est alors que vous vous plongez avec perplexité et délectation dans des abîmes de réflexion visant à aboutir au présent parfait à offrir à vos proches. C’est bien mais c’est surfait. En effet, quoi de mieux pour coller à l’esprit de Noël que de penser non à vos êtres les plus chers mais bien à ceux que vous abhorrez? Quoi de mieux que d’avoir des idées pour faire des cadeaux à vos pires ennemis? Ils seront sans aucun doute moins nombreux que ceux auxquels vous tenez, et ceci vous permettra en outre de substantielles économies. Mandorine, dans sa grande mansuétude, vous suggère quelques idées si vous souhaitez  couvrir de présents votre Némésis personnel.

Alors certes, vous pourriez penser qu’un simple accès de violence envers votre ennemi héréditaire pourrait faire l’affaire. Une grenade dégoupillée, un footing dans une hacienda d’élevage de Toros Bravos ou un cours de pilotage avec John Travolta seraient alors du plus bel effet. Mais un sage a dit une fois, « si tu as un ennemi, assieds toi au bord de la rivière et attend de voir passer son cadavre ». Mieux en effet que l’agression, ayez plutôt le réflexe princier d’offrir quelque chose qui paraisse un acte de pardon magnanime. Mais seulement en apparence.

Instruments de torture

instrument-de-musique-premier-tambour-boikido-jouet-en-bois

Mignon? Oui, mais démoniaque!

Prenez par exemple un présent anodin. Votre haï, ayant engendré descendance pour mieux pouvoir hanter la vôtre, pourrait par exemple se voir offrir des objets qui sous des dehors inoffensifs se révèlent bien pires pour la santé qu’une bombe à uranium appauvri. Lesquels? Des jouets bruyants.

En effet, sous couvert de susciter une vocation de grand musicien à Jean-Kévin pour que plus tard il n’ennuie pas votre petite Cindy-Manon, voilà que vous gratifiez l’avorton nemésiaque d’un objet aux couleurs criardes, imitant un instrument quelconque (tambour, guitare, flûte ou trompette) et crachant des sons de synthèse si infâmes qu’ils vous feraient douter de la réalité de ce qui caresse vos esgourdes ébahies. Bien entendu, vous aurez pris soin de choisir un objet sans piles, pour que ces dernières ne puissent pas être cachées à l’insu du futur Mozart. Par cet acte de barbarie vous passerez comme un bienfaiteur soucieux du développement harmonieux d’un enfant, alors qu’en réalité vous aurez réussi à gâcher la vie de son honni géniteur.

Variante : si le fils est ado offrez lui un des membres du trio magique guitare/basse/batterie. Ça serait bien la déveine qu’il en sorte plus qu’un monceau de sons informes accompagnés d’une voix qui mue.

Tales from the crypté

Côté culture laissez de côté l’intégrale Twilight, les fessées tièdes des nuances de gris,  le best of Céline (qu’il s’agisse de Dion ou des pamphlets antisémites de Louis Ferdinand) ou l’acné de Justin Deuxpintes. Optez plutôt pour la petite lucarne. Quoi? me direz-vous, comment cet objet obsolète et ringard peut-il être une arme? Eh bien tout simplement en abonnant pour un an qui-vous-savez à une chaîne cryptée qui diffuse du foot et du porno, et parfois quelques séries de flics ou de revenants qui font du buzz. Mais me direz vous, c’est un beau cadeau, qui illuminera ses longues soirées d’hiver. Certes, il est vrai qu’il y a des programmes de qualité, dont nous avons vanté les mérites, et que tout n’est pas digne de l’ennui abyssal que nous procurent les stakhanovistes du carré vert lors de rencontres footballistiques au style assez peu flamboyant. Mais le vrai traquenard, subtil, est qu’il sera pris au piège jusqu’à la fin des temps par la plus effroyable invention qui ait pu sortir du cerveau d’un juriste pervers : la tacite reconduction de contrat. Vous étoufferez donc votre ennemi à petit feu, entre la douce léthargie provoquée par la surabondante grille des programmes et la saignée économique mensuelle dont, chaque année il oubliera la date d’échéance, pour inéluctablement se retrouver engagé 12 mois de plus.

Boîte de pandore

crisebox-viande-golem131 Après un tel tombereau de perversions vous penserez que l’esprit humain ne peut pas faire pire en terme de sadisme, et qu’après tout ce que vous venez de lire votre ennemi préférera passer un long séjour all inclusive chez les Farc que de recevoir un cadeau de vous. Et il aura bien raison, car notre dernière suggestion dépasse de loin en fourberie tout ce qui a été dit jusqu’ici. En effet, quoi de pire, de plus subtilement venimeux, que de donner en présent cette chose qu’un jour un affreux marketeux a osé inventer pour la perdition de l’humanité : la Smart Box. Derrière ce nom se cache un concept décliné jusqu’à plus soif de séjours prépayés dans des auberges coquettes ou des hôtels de charme, qui sous un aspect affable cache en fait le plus court chemin vers l’abîme de la folie. Car dès l’instant où vous ferez ce présent, la roue du destin, faite de procrastination, de séjours complets, d’établissement n’étant plus partenaires malgré leur présence sur leur livret, et d’un site web incompréhensible, aura tôt fait de plonger votre ennemi au cœur d’un système kafkaïen, l’amenant au mieux à perdre ce séjour, ou au pire à devoir accepter 2 jours avant péremption n’importe quel week-end dans une auberge avec piscine du Périgord au cœur du mois de novembre le plus pluvieux de la décennie.

Avec de telles méthodes de broyage psychologiques dignes d’un tortionnaire de la CIA à Guantanamo, tous vos opposants auront été sortis du circuit encore plus efficacement que si Vladimir Poutine s’en était chargé personnellement. Vous serez désormais aussi respecté que craint, car à l’instar des parrains de la pègre de l’ancien temps, vous aurez dominé une technique redoutable : le cadeau de la mort.