Paris au XXe siècle


Je ne vais pas vous faire l’affront de vous dire qui est Jules Verne. La plupart d’entre vous savent déjà de qui je veux parler. D’un des auteurs les plus traduits dans le monde (le deuxième derrière Agatha Christie, vous rendez vous compte ?) qui a placé dans notre imaginaire d’enfant (et d’adultes, ne soyons pas sectaires) des machines fantastiques pour nous plonger Vingt mille lieues sous les mers, nous a conviés à faire un Voyage au centre de la Terre, a réussi le pari fou de faire un Tour du monde en 80 jours et de vivre Cinq semaines en ballon et à vivre une épopée de la Terre à la Lune… Oui, c’est de cet auteur là dont je veux vous parler, mais pour un livre bien moins connu.

 

En effet, après la publication de Cinq semaines en ballon par l’éditeur Pierre-Jules Hetzel, qui restera son éditeur attitré, Jules, qui a alors 35 ans, lui propose un autre manuscrit, qui ne fait pas partie de la série des Voyages Extraordinaires. Il s’intitule Paris au XXe siècle et fut rejeté par Hetzel, qui le critiqua vertement et refusa de le publier. Jules Verne ne le reproposera jamais et le manuscrit restera inédit jusqu’à très récemment. En effet, les éditions Hachette vont décider de sortir le livre en 1994 et aujourd’hui, on le trouve assez facilement aux éditions Le Livre de Poche.

Paris au XXe siècle est très étonnant, car on y trouve deux facettes de Jules Verne. D’un côté, le Jules Verne que l’on connaît, c’est-à-dire l’auteur des nouvelles technologies, un des précurseurs de la science-fiction. L’action du livre se situe à Paris, en 1960. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Paris est très moderne. Verne décrit une ville futuriste pour l’époque du lecteur (le livre est écrit en 1863) : il y parle d’une invention ressemblant au fax d’aujourd’hui, décrit un Paris fortement industrialisé avec des « railways » roulant sur des voies se situant au niveau des toits des immeubles parisiens, une autoroute maritime reliant Paris à Rouen… Il nous parle également du triomphe total des sciences, érigés en véritable religion par les habitants du Paris du XXe siècle.

Cependant, de l’autre côté du Verne, on trouve un livre qui prédit que sous l’action et la poussée de plus en plus forte de ces sciences, la littérature, le latin, le grec, les auteurs du XIXe siècle sont méprisés, oubliés, à la limite de l’interdiction. Le héros de Paris au XXe siècle, Michel, vient d’obtenir un grand prix de vers latins, s’attirant la moquerie populaire et l’ire de son tuteur et oncle, qui veut tuer dans l’œuf toutes ses volontés de carrière artistique, par crainte de retombées désastreuses pour sa famille.

C’est cette dualité qui est vraiment excellente et surprenante dans le livre. Il contredit vraiment la vision du Jules Verne totalement aveuglé par le progrès technique et nous montre, au contraire, un auteur très au courant des techniques et avancées de son époque, mais conscient des risques et montrant un réel attachement aux lettres et à la culture de son époque. Car dans le Paris futuriste qu’il nous conte, ce ne sont pas seulement les lettres qui sont repoussées, mais aussi la musique, la peinture, les autres formes d’art (il en profite notamment pour clamer son mépris pour le peintre Gustave Courbet, ou pour Wagner par exemple).

Paris au XXe siècle n’est pas un chef d’oeuvre et loin de là : l’écriture est quelque fois un peu lourde et le scénario convenu et parfois confus. Néanmoins, c’est un très bon livre de Verne, qui montre une facette qu’il aura finalement peu le loisir de développer. On s’étonne, au fil de la narration, de voir que ce que prédisait Jules à son époque n’est pas si éloigné de la réalité, concernant les innovations techniques. Que vous soyez un inconditionnel ou non de l’auteur, je ne peux que vous engager à lire ce livre qui se lit très vite, et procure énormément de plaisir.

 

Paris au XXe siècle

de Jules Verne

Le Livre de poche

216 pages, 4,30 €

1998