Le Festin Nu la nuit
Sur Mandorine, on aime parler et disserter sur tous les sujets et les plaisirs de la chair ne dérogent pas à la règle. On sait que la pornographie peut prendre bien des formes, voyons ce qu’il en est.
L’été est enfin là, sa moiteur, sa constellation du grand chien et notre quête de fraîcheur. Et, confessons-le, la solitude qui se fait parfois sentir quand on voit que « tous les garçons et les filles de mon âge se promène dans la rue deux par deux », et le tout combiné, nous pousse à avouer avoir fait des choses parfois un peu honteuses, à la limite de l’obscénité. Donc, récemment, tard dans la nuit, j’ai inopinément allumé mon téléviseur sur une chaîne très spécialisée. Je me suis laissé hypnotiser à mon corps défendant et j’ai pris du plaisir à ce que j’ai vu.
Le programme en question, premier d’une longue nuit scotché devant la même chaîne, nous montrait un groupe de personnes souriantes, enthousiastes, entreprenantes et impliquées. Un monsieur a d’abord commencé tout seul à astiquer son rouleau à pâtisserie, mais très vite, il a été rejoint par deux femmes intriguées par la beauté de son manche. Comme j’avais dit l’été dernier il est loin le temps où ces mecs assumaient leur brioche et où les femmes ne faisaient pas pâtisserie.
Au menu, une véritable orgie est prévue avec une poule qui passe encore à la casserole, mais dès l’apéritif c’est du « vas y que je te bouffe le cornichon », l’entrée est faite de bouchées du même acabit et en guise de plat de résistance un petit massage pour attendrir la viande devient une fricassée, mélange de bonne chère, et signe que les carottes sont cuites pour le pauvre et volage volatile. Ensuite, le monsieur a ouvert un four chaud comme une journée de canicule dans le désert du Mojave pour y mettre la dinde quand il s’est rendu compte qu’avant de l’enquiller, il fallait la lubrifier afin qu’elle soit dorée à souhait. Et ça n’est que le début.
Diet Cock
Le corps souffre devant tant de tentation, les réactions sont chimiques et naturelles mais la honte reste présente. Toute cette moiteur, ces corps gras qui dégoulinent, il n’en faut pas moins pour que la mayonnaise prenne bien. La honte est toute personnelle, mais dans tous les cas on est très vite mal à l’aise face à cette pauvre courge, ce thon, cette morue et ce boudin qui vont être maltraités et défaits pour notre plus grand plaisir des sens.
En parlant de sens, le pouvoir de l’imagination est hallucinant puisque très vite on se prend à imaginer des odeurs qui ne sont pas vraiment là, des odeurs d’oignons, de jus, de coulis, de moules et de fruits de mer en général, on a envie de toucher ces belles textures sous nos yeux, on rêve de les goûter, on se délecte des ces petits cris, autant de sons qui crépitent, chantent et excitent notre imagination fertile. On se prend, tel un loup Tex Avery, à vouloir se baigner dans ce lupanar sensitif par procuration.
Les programmes de la chaîne s’enchaînent pendant toute la nuit sans interruption au point qu’ils finissent tous par se ressembler. Il y en a eu pour tous les goûts, du traditionnel, de l’ethnique, du mexicain, de l’italien, de l’allemande, de la française élégante et fine avec ses produits du terroir, mais aussi de l’américaine généreuse et un peu artificielle, du soft mais aussi du hardcore avec des concours de gougnafiers outre mangeurs qui s’enfilent un mode de vie à s’en faire péter la sous-ventrière. On voyage aussi, il y a de la nature, des prises en studio aussi, des scènes de vit parfois spontanée parfois scénarisée, et on se prend à se dire que même si c’est en version originale non sous-titrée et qu’on ne comprend pas tout, ça n’a pas d’importance parce que le but reste le plaisir et l’effet que ça nous produit.
Au fil de la nuit, tout s’est mélangé à tel point que je ne sais plus qui a trempé sa nouille, dégorgé son poireau, arrosé le persil ou servi de la crème d’asperges. Je me souviens juste qu’à un moment, un des protagonistes a trempé son biscuit pour finir par prendre un abricot à la cuillère, sans se démonter il a même posé une pèche sur la table pour ensuite la répandre sur une pauvre tarte à l’estime de soi inexistante. J’ai compris après que ce n’était pas de la tarte mais une quiche sucrée-salée, pas de quoi rougir comme une tomate mais l’anecdote était à la fois assez croustillantes et piquantes pour être relevées.
The Hunger Games
Je dirais qu’une fois qu’on a vu une dinde être prise en sandwich, après qu’un mec ai lâché la purée sur les miches de pain de son assistante, on a tout vu. Et croyez-moi, c’était gratiné ensuite pour rattraper le tout. Une des émissions montrait un magnifique barbecue au Texas et une fois la viande sur le grill, ils envoyaient la sauce sur des cuisses généreuses alignées en rang d’oignons, ils ont tous fini dans un état proche du Mississippi.
J’en conviens, c’était parfois assez cru. Je ne vais pas vous raconter des salades, mais par moment, certaines se faisaient bien assaisonner avec une petite vinaigrette qui contenait juste ce qu’il faut de salace et poivre.
Vous l’aurez compris, ces jours-ci je suis un régime amaigrissant draconien, donc tout me fait envie et me fait saliver, dites vous qu’écrire tout ça n’était pas du gâteau, voir toutes ces tentations est vite devenu obscène, un vrai petit plaisir coupable et solitaire. Oui, quand on est à la diète, regarder des émissions culinaires devient pornographique. Bref j’ai passé une nuit à regarder Cuisine Tv.