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On connaît tous les avantages du web 2.0. Vous en êtes d’ailleurs les actuels témoins, ne serait-ce qu’en lisant l’humble chronique de votre serviteur, puisque aujourd’hui quiconque peut, en quelques clics, devenir un rapporteur du quotidien et poster facilement son avis sur blog, réseau social ou autre. Mais s’il est un domaine que cette interactivité à révolutionné, c’est celle du commentaire de café, devenu aussi virtuel qu’un compte en banque en Espagne. Finies les empoignades au comptoir entre le p’tit noir et le gros rouge, c’est sur les zinc électroniques que ces étripages verbaux se passent. Ces commentaires faisant feu de tout bois sont devenus au fil des ans un magnifique bouillon de WTF, supplantant là même en intérêt les articles auxquels ils réagissent.

Godwin the “yes” needs the “no” to win, against the “no”

Si déjà en lisant ces lignes vous pensez que l’auteur est un Nazi, bravo, vous gagnez un point Godwin!

En effet, aujourd’hui il est fascinant de se plonger tout habillé dans les 17 pages de commentaires d’un fait divers de PQR. Pour qui n’a pas eu la chance de faire des études de sociologie, voilà là une occasion en or de scruter un microcosme de notre société, et de devenir un Bourdieu de bas étage en se délectant des saillies de ses concitoyens, qui, si le sujet s’y prête, arrivent fatalement à aborder les rivages du point Godwin. En effet, sous couvert d’un anonymat qui donne des ailes, on se laisse aller plus que de coutumes aux réactions extrêmes, pour se retrouver en plein siège de Tripoli pour quelques mots lâchés plus ou moins imprudemment. Les donneurs de leçons (“un article de cuisine, quelle honte quand les enfants meurent de faim…”), les naïfs, ceux qui réagissent à chaud et ceux qui “ont mis longtemps à se décider à réagir mais s’y sentent forcés par ce qui est dit là”, les vouvoyeurs contre les tutoyeurs, les super mythos et exagérateurs de tout poil, les défenseurs de la liberté et leur nemesis fachistoïdes, les commentaires ouverts sont une seconde maison pour ce petit monde, aussi différent qu’uni par cette passion commune, celle de donner son avis. Surtout que les positions sont souvent tranchées, et s’exacerbent si l’on a la bonne idée d’aller piocher dans les bons filons.

Rock and Troll

En étant finaud, il est aisé de savoir ce que l’on recherche en ciblant un peu ses lectures : si vous parcourez les pages d’un journal coloré politiquement, vous aurez toujours une horde d’adversaires idéologiques prêts à en découdre, et l’accession au précieux sésame de l’insulte hitlérienne n’en sera que plus rapide. Mais sachez que ces e-conflits ne se bornent pas aux uniques canards politiques. Que vous consultiez des commentaires sur un site de sport (analphabétisme et sms compris dans les frais), de technologie (pomme contre fenêtre contre robot vert) ou de culture (orientez vous vers des critiques de grands succès populaires, empoignades garantes!), les positions radicales, singeant là les journalistes acerbes de la plume, feront un superbe bouillon pour faire voler commentaires à l’emporte pièces, positions outrées et jugements définitifs. C’est là qu’on retrouvera, rassurés de les voir en bonne santé, les bon vieux trolls qui sévissaient du temps, aujourd’hui révolu, des forums tout-puissants. Artistes du commentaire sibyllin et de la provocation gratuite, ils sont capables d’appuyer en quelques mots sur le point sensible d’une discussion, telle une Xena la guerrière championne de la mauvaise foi. Et le pire c’est que ça marche encore, malgré le bon vieux proverbe, qui, à l’instar des écriteaux dans les zoos, stipule bien de ne pas nourrir l’animal.

Spam de poète

C’est que ces joutes verbales par claviers interposées arrivent toutefois à susciter l’intérêt. Pourquoi se fader en effet des kilomètres de lieux communs, de fôtes d’ortograf et d’insinuations fascistoïdes si ce n’est pour de brefs moments lumineux, d’humour ou de poésie involontaire. En effet, lors des débats parfois vigoureux, l’intervention d’un des participants vient mettre un peu de rigolade dans ce monde outré. Jeu de mots ou trait d’esprit, calembour ou humour (très) noir, la saillie drolatique aura de toutes façons un effet gratifiant pour son auteur : une avalanche de compliments ou un tombereau de cris d’orfraies. Dans les deux cas la machine aura été relancée pour un tour.

Ces joutes électroniques sont aussi le terreau idéal pour les paranoïaques de tout poil. Si l’internet 2.0  tel qu’il est aujourd’hui avait été aussi au point du temps de X-Files, nul doute que Mulder se serait délecté de toutes les théories qui y circulent. Que ce soit pour un scooter volé, un chien écrasé  ou un article scientifique, il y en aura toujours un pour sortir du bois le complot (terroriste, extraterrestre,  gouvernemental, un mélange des trois). Lisez au hasard un article sur la mission Curiosity sur Mars, il y en aura toujours un pour dire que l’homme n’a pas débarqué sur la lune, et que ces photos ont été prises dans un studio en Arizona.

Au final on en vient à se demander si les robots-zombies-spameurs ne sont pas les plus sages, ou les plus provocateurs c’est selon, à suggérer, au milieu d’un débat la-gauche-c’est-des-mous-bobos-Sarko-facho-Lana-del-Rey-refaite-allé-lOhaime, d’acheter un joli tricot pas cher plutôt que de s’étriper sur ce débat stérile.

Modérateur à gages

Qui modère le modèrateur?

En résumé, le petit monde des commentaires permet en quelques clics de se délecter d’analphabétisme charmant, de s’amuser de saillies drolatiques, de s’inquiéter de certains esprits tordus, voire parfois, d’apprendre des choses. Tout cela sous la surveillance bienveillante des modérateurs, Watchmen des vertes prairies électroniques. Garants de l’intégrité morale, ces braves modos sont prêts à tout, même à être dérangés à toute heure par des notifications venant d’internautes zélés n’ayant pu résister au bouton “signaler ce message”.  D’ailleurs n’oubliez pas. Les commentaires sont modérés sur cet article.