Une vie chinoise : le temps du père


Côté occidental, on connait un peu l’histoire de la Chine, telle qu’elle nous est racontée à l’école. Son régime communiste, la croyance indéfectible du peuple chinois en Mao, la famine, la révolution culturelle… Mais tout ceci reste relativement théorique. Il nous est difficile de comprendre le peuple chinois. C’est là qu’intervient Li Kunwu. Les éditions Kana nous proposent un manga particulier, en nous entrainant dans les souvenirs cet auteur de bande dessinées, reconnu dans son pays, membre du Parti Communiste, administrateur de l’Association des artistes du Yunnan et de l’Institut chinois d’étude du dessin de presse.

 
Une vie chinoise : le temps du pèreLi Kunwu a grandi dans la Chine de Mao, il a appris à lire dans le Petit livre rouge, à dessiner en reproduisant le visage du Grand Timonier, avant de devenir plus tard auteur de BD – d’abord spécialisé dans la BD de propagande, d’ailleurs -. Et d’écrire Une vie chinoise, de porter un regard mi-dénonciateur, mi-attendri sur cette ère. A travers les yeux d’un enfant, puis d’un adolescent, nous découvrons son histoire, celle de Xiao Li, petit garçon élevé à la doctrine de Mao, apprenant peu à peu à combattre les « comportements bourgeois » et à dénoncer les «quatre nuisibles», les «cinq espèces noires», les «vieux féodaux», se laissant aller à la folie collective, à la destruction, à la haine de l’opposant.

On découvre de l’intérieur la vie d’un peuple au cœur de la famine du Grand Bond en avant, l’apprentissage de la parole de Mao à l’école, les dénonciations du voisin et des camarades d’école, l’humiliation des ennemis du Parti, le chaos engendré par la Révolution culturelle… Li raconte son envie irrésistible d’être soldat de la Garde Rouge, son départ pour l’armée, l’enfermement de son père – dénoncé par un de ses camarades d’école -… Il ne gomme pas ses erreurs et prend parfois la parole pour dire sa honte d’avoir détruit des objets représentant une culture millénaire, sous couvert de combattre la bourgeoisie. Il dévoile aussi sa passion pour Mao, et tente d’expliquer les sentiments complexes de cette adoration, sa peine lors de la mort du Grand Timonier, son sentiment d’abandon aussi.

Une vie chinoise : le temps du père

On retrouve d’ailleurs dans le trait de l’auteur toute l’imagerie de propagande chinoise, trait qui peut déstabiliser mais qui épouse bien son propos et réussit néanmoins à véhiculer de l’émotion. Cet ouvrage est un document-témoignage qui nous permet de savoir d’où vient la Chine, une sorte de journal intime historique décrivant la vie chinoise dans une époque aujourd’hui révolue. Un préface très intéressant, où le journaliste Pierre Haski résume en quelques pages l’histoire de l’Empire du Milieu, complète cette édition. Le seul reproche que je ferai à cette édition d’ailleurs, est la mise en page de du préface, où on trouve quelques coquilles.

Le tome 1 s’achève sur la mort de Mao, et les réactions du peuple face à cette nouvelle. Le tome 2 prend la suite, Xiao Li cherche à entrer dans le Parti et la Chine aborde l’après Révolution Culturelle. J’ai hâte de le lire.

 

Une vie chinoise : le temps du père

de Li Kunwu

Éditions Kana

240 pages, 19.95 €

juin 2009

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