Mandorine fête ses 6 ans
Comme chaque année, lorsque j’annonçai à mon équipe de rédacteurs insouciants que Mandorine fêtait son sixième anniversaire quelques semaines plus tard, ils m’opposèrent des mines incrédules. Une fois passée la stupéfaction, nous décidâmes de célébrer notre grand âge en toute nostalgie, en proposant chacun nos chroniques préférées publiées sur Mandorine depuis sa création. Je vous avoue que cette riche idée s’est rapidement transformée en foire d’empoigne, certains articles de notre beau webzine étant considérés unanimement et en toute modestie comme cultes au sein de notre rédaction.
Heureusement, Mandorine fourmille d’articles divers et variés – très exactement 624 depuis notre lancement, fin 2008 – et il fut relativement aisé de sélectionner la trentaine d’articles qui composent cette sélection-chronique. Une chronique à propos de chroniques, nous atteignons aujourd’hui le point ultime du méta-blog. Autant dire que je me fais l’impression d’un réalisateur proposant le commentaire de son propre film. Inception, nous voilà.
Fan 2
Mais avant de nous lancer dans une séance éhontée d’auto-congratulation qui ferait ressembler les cérémonies des Oscars à une séance d’auto-flagellation collective, nous voulions vous proposer une lettre de fan/chronique reçue par – probablement – la plus jeune de nos lectrices, Lola. Pas sûr que ce texte figure dans notre prochaine sélection du meilleur de Mandorine, mais on apprécie l’intention.
Passons à présent aux contributions de nos éminents rédacteurs. Mesdames et Messieurs, voici la crème de la crème de Mandorine.
Antoine
Six ans. Au delà du chiffre, je ressens une certaine fierté en me disant qu’avec notre fine équipe, nous avons réussi à faire vivre Mandorine durant ce laps de temps, surtout quand on voit le nombre de webzines mort-nés sur la toile. En plus, la rédaction fourmille d’idées pour continuer à l’alimenter encore longtemps en articles aux sujets divers et variés, vous risquez d’en reprendre encore pour six ans ! Le moment était donc bien choisi pour vous concocter un petit best-of de ce qu’on a pu écrire depuis notre création. Voici ce que, à mon sens, mes collègues rédacteurs ont proposé de meilleur.
En réunion de rédaction, il n’est pas rare que l’on se lance des références musicales plus ou moins obscures qui, malheureusement, restent dans la tête. Lorsque Gaël (alias Arsenio Iglesias) a écrit un article complet sur L’école du Micro d’argent, album culte d’IAM, je n’avait en tête que le single L’Empire du côté obscur. C’est donc grâce à lui que j’ai enfin écouté ce chef d’œuvre de la chanson française qui, depuis cet article, est solidement ancré dans mon Panthéon personnel.
Depuis longtemps, je nourris une affection particulière pour le jeu Conker’s Bad Fur Day, publié sur Nintendo 64. Pensez donc : un bijou d’humour idiot et noir mettant en scène un écureuil ivrogne, vénal et dépravé, qui doit sauver sa copine tout en échappant aux troupes de l’infâme roi Panthère, le tout servi sur une console traditionnellement familiale, c’est tout ce qui me plaît. C’est dommage que ce titre soit resté si confidentiel : heureusement que Yohann a permis de le faire redécouvrir à nos lecteurs. Un grand merci à lui !
Quand le best-seller de E.L. James est sorti en France, un dilemme s’est posé : fallait-il en parler dans nos colonnes ? Et si oui, qui allait lire l’ouvrage ? C’est facile de dire que tel livre est « nul », encore faut-il avoir des arguments pour étayer son propos. Mylène s’est alors sacrifiée et a entrepris la lecture de Cinquante nuances de Grey. Il en résulte un magnifique Archipel du Goulag qui va vous convaincre une fois pour toutes que non, Mandorine ne recommande pas ce livre.
Pour terminer cette petite sélection, je voulais saluer le travail de Why pour son article en deux partie sur le thème Porno et féminisme. Parler de pornographie sur un webzine grand public, c’est un terrain un peu glissant. Parler de féminisme dans le porno, c’est carrément casse-gueule. Why a évité les écueils et livre une réflexion intéressante et constructive que je vous invite à lire !
Arsenio Iglesias
Quand on me demande de choisir les articles de Mandorine que j’ai préférés, je souhaiterais presque que la fin du monde soit vraiment arrivée il y a deux ans. D’une part, parce que j’aurai pu m’imprégner des conseils toujours avisés, et un peu fielleux, de Mylène (faute de pouvoir embarquer ses nombreux conseils de lecture délicats, fin du monde oblige), d’autre part parce que je ne serai pas obligé de faire ce choix difficile, radical, que dis-je cornélien, de piocher dans une pléthore de chroniques exquises qui ont ravi mes neurones et mes zyogomatiques (et parfois les deux), celles qui pour moi représentent la quintessence de l’arôme si fruité de Mandorine. Et heureusement que je n’ai eu à choisir que parmi ceux de mes camarades, car si j’avais du en choisir un parmi les miens, moi qui les aime tous comme mes enfants que je n’ai pas encore, j’aurais eu à me jeter du 3e étage.
Ou alors à m’enterrer, à l’instar d’Atari qui enfouit sa production de l’infâme E.T, couronné devant l’éternel « Pire Jeu de Tous Les Temps » et dont Antoine, délaissant son obsession pour la Russie ou les trains, nous conta les tribulations dans cet article. Revenant sur ces temps héroïques où l’on aurait pensé que le graphiste était une taupe hypermétrope et où les musiques ressemblaient plus à des flatulences post-cassoulet qu’à un score de John Williams, ce morceau de bravoure Mandorinien nous montre aussi que les histoires qu’on a longtemps crues mythiques peuvent finalement se révéler vraies. Et que trente ans plus tard, malgré ce fâcheux précédent, l’industrie vidéo ludique pense toujours que licence = grosse vente.
Heureusement pour me rendre le sourire, il y aura toujours ce bon vieux Why. Et non ce n’est pas de sa célèbre série sur les films de genre, ou sa propension à digresser sur Borges, les monstres ou les méchants, dont je vais parler. Non, c’est plutôt de sa prose sur un des symboles des années 80 rutilantes, et des 90’s bedonnants, Michael/Mitch/David, aussi connu sous son surnom du Hoff’. Avec ses frisettes et son alcoolisme, celui qui utilisait une Apple watch avant l’heure nous est le héros d’un des articles les plus hilarants de ces colonnes, il y a déjà un an, pour nos cinq ans.
Pour finir cette revue du passage en CP de Mandorine, quoi de mieux qu’un conseil de lecture ? Le webzine en regorge, un peu dans tous les genres, mais je mettrai en lumière l’article de Yohann sur La conjuration des Imbéciles (celle sur le jeu vidéo avec le caca géant étant déjà prise, je n’en parle pas mais n’en pense pas moins). Le plus paradoxal, c’est que c’est souvent la lecture d’un article d’un Kamarade qui me donne envie de lire ce dont il parle. Or, ce coup-ci je connaissais l’œuvre en long, large et en travers. Pourquoi ce choix alors? Tout simplement parce qu’il s’attaque à un monument dont je ne savais par quel bout prendre. C’est donc empreint de gratitude que je recommande cette lecture, après plusieurs années de procrastination à me dire qu’un jour, j’écrirai dessus.
Carine
Le choix a été bien évidemment très difficile, un peu comme demander à des enfants s’ils préfèrent leur papa ou leur maman… Comme on dit, choisir c’est renoncer. Commençons par l’article-vidéo, concert et interview de Jason Lyttle & Young Rapture Choir d’Arsenio Iglesias : souvenirs d’une soirée unique, un beau concert, une belle harmonie, un beau projet pour ce prof de musique de province.
Puis, l’article sur le food et le porn de Why. Comparer la bouffe avec le porno il fallait oser alors merci Yon de l’avoir fait avec panache !
Enfin, 8 fictions qui feraient chouiner un chasseur de bébés phoques de Mylène. Un article intemporel, de l’émotion et de quoi bien déprimer pour cette saison hivernale qui s’annonce…
Marie
Six ans d’existence et presque deux ans pour ma part que j’ai rejoint cette bande de drôles de zigotos que constitue l’équipe de Mandorine et que j’ai toujours grand plaisir à fréquenter. J’en profite pour faire un big up à Mylène, notre rédactrice en chef, sans qui le site n’aurait pas l’allure qu’il a aujourd’hui et qui est heureusement là pour canaliser le débordement d’idées parfois – euh, souvent – saugrenues que nous pouvons avoir en réunion de rédaction, et donc donner une cohérence à l’assemblage foutraque de tous nos articles.
(NDLRédac’chef : Don’t mess with the rédac’chef.)
Questions idées farfelues, il y en a quand même de belles qui se sont concrétisées dans nos colonnes ! L’exemple le plus probant étant pour moi ce magnifique article sur un jeu totalement improbable, j’ai nommé Euro Truck Simulator. Ouais, un jeu où tu entres dans la vie palpitante d’un chauffeur routier, mais vu par Antoine, notre expert ès-trouvage de perles vidéoludiques, il prend une saveur particulière qui fait qu’on serait presque tenté de l’acquérir pour nous aussi jouer les camionneurs/euses !
Outre des articles improbables, il y a ceux qui nous rappellent immanquablement de bons souvenirs pour tout un tas de raisons, comme le super spectacle d’Arnaud Tsamère, Chose promise que nous sommes allées voir avec Mylène et dont nous sommes ressorties… ben pour le savoir lisez l’article si ce n’est pas déjà fait, bande de feignasses ^^
Pour finir, il y a le type d’article qui dès son titre nous prend par les sentiments et nous le fait apprécier d’avance, c’est le cas de celui de Gaël sur l’humour anglais dans les séries qui avait clôturé les olympiades britanniques en séries, notre façon à nous de célébrer les jeux olympiques de Londres, et qui a donc directement parlé à mon cœur d’anglophile.
Voilà, pour toutes ces raisons, je ne quitterai pas le bateau Mandorine de sitôt même si je ne contribue pas beaucoup et signerai à nouveau pour six ans les yeux fermés (enfin non, ouverts, c’est plus facile pour voir où on signe) !
Thibaud
Ce que je trouve sympa avec Mandorine, c’est qu’à chaque fois que j’y retourne, j’ai l’impression d’être dans une bibliothèque ancienne, un truc qui respire le prestige dans la forme. Quand je rentre dans une allée, j’y vois des livres à taille humaine éparpillés qui viennent me parler de trucs que je ne connais pas. Ils ont des styles différents, l’allure parfois saugrenue mais étrangement, je vais prendre le temps de les écouter et de me convaincre de les lire. Après tout, je suis dans une bibliothèque pour ça. Cette métaphore volontairement absurde est là pour souligner les découvertes étonnantes et plaisantes que j’y fais de temps à autres. Mes articles préférés sont donc ceux qui m’ont fait découvrir des artistes que je ne connaissais pas et que j’ai appris à aimer. N’ayant pas lu l’intégralité de six ans de contenu, ceux que je vais citer sont finalement assez récents.
Tout d’abord, Le rocher teste son acoustique, article sur Will Stratton. Je suis personnellement mal doté en culture musicale. Avoir la chance de lire les articles d’Arsenio Iglesias, c’est en apprendre davantage. En plus de bénéficier d’une interview vidéo de qualité, la découverte de cet esthète de la guitare folk a vraiment fonctionné comme un coup de cœur.
Ensuite, il y a Jérémy Ferrari fout le bordel à Bordeaux. Ce n’est pas compliqué, après avoir visionné plusieurs vidéos et terminé de lire la plume de Mylène, je n’avais qu’une envie, voir son spectacle. Ce que j’ai fait. J’avais abandonné l’idée qu’un humoriste puisse encore faire rire tout en étant pertinent et intelligent. J’avais visiblement tort. Et vous savez quoi ? J’en redemande.
Pour finir, j’aimerais revenir sur l’article d’Antoine concernant Katawa Shoujo. En plus de rappeler à mon cerveau que j’avais déjà entendu parler de ce jeu, aussi obscur que cela puisse paraître, il a écrit un article sur un sujet dont je voulais moi-même discuter : le Visual Novel. Je trouve le genre tellement porteur sur ce que j’estime être le point faible du jeu vidéo, à savoir le scénario, et j’ai tellement entendu parler par des joueurs convaincus de jeux comme la série Persona ou Danganronpa, qui sont des hybrides du genre, que je voulais monter sur la table pour faire se tourner les regards vers ces productions encore trop peu considérées. Grâce à Antoine, c’est chose faite. J’ai bon espoir qu’à l’avenir, grâce au succès de jeux à scénario comme The Walking Dead (TellTale), qui remet d’ailleurs sur les rails un autre genre qui était tombé en désuétude, le Point&Clic, que les Visual Novel auront peut-être, eux aussi, leur place au soleil, au royaume de la première industrie culturelle du monde.
Why
Difficile exercice que celui de choisir ses articles préférés parmi la manne que propose Mandorine. Le premier qui me vient à l’esprit est Trois romans russes pour passer l’hiver de Yohan. Parce que c’est le genre d’articles qui fait la qualité de ce webzine, on y retrouve à la fois de la culture générale, la spécificité d’une littérature finalement trop peu connue et une fluidité d’écriture qui rendent le tout intéressant et facile à lire. En plus, grâce à lui, j’ai découvert la notion d’Oblomovisme.
Le second article que je citerais spontanément est La « director’s cut » de La Porte du Paradis se refait une jeunesse de Laurie parce qu’il est représentatif de ma passion pour le cinéma, parce que le film est magnifique, maudit et culte. L’article présente la sortie d’une nouvelle version restaurée du film, mais si on lit entre les lignes c’est surtout une petite réflexion sur les films de Michael Cimino et l’évocation du chant du cygne d’un pan entier de l’histoire d’Hollywood.
Pour finir je n’ai pas réussi à départager deux articles, L’aérotrain fantôme, une histoire beauceronne d’Antoine et Réagissez à cet article d’Arsenio Iglesias. Le premier est à la fois ludique et passionnant, on y retrouve de l’histoire française contemporaine, une excellente documentation et un sous-texte lourd de sens qui a des échos dans notre situation actuelle. Le second article est révélateur d’un phénomène de société au niveau planétaire et toujours d’actualité. Sous l’apparat de l’humour, on a la chance de parcourir une véritable étude sociologique sur notre comportement sur Internet, les libertés que prennent certains sous couvert d’anonymat et les dérives infinies qui en résultent. Entre histoire alternative, infini et méta-journalisme 2.0, impossible de me décider.
Mylène
J’ai une relation particulière aux articles publiés sur Mandorine. Si tous ne sont évidement pas signés de mon nom, j’en ai relu, corrigé et édité la quasi-totalité avant leur publication. Entre corrections orthographiques, recherches, ajout de références et de liens vers d’autres chroniques liées au sujet du jour, conseil éditorial, réécriture parfois – mais toujours en conservant le style et le ton spécifique à chacun de nos rédacteurs – et mise en page, cette étape indispensable nous permet de vous proposer la meilleure version possible de nos articles. Ainsi, mon intervention se doit d’être invisible tout en améliorant sensiblement le contenu de Mandorine. La sélection que je vous présente ici est donc forcément orientée par le travail effectué sur ces chroniques, du côté du rédacteur comme du mien. Parfois, l’accouchement est difficile, celui de l’excellent article d’Antoine sur les jeux Atari enfouis dans le désert dont vous a déjà parlé Gaël le fut – ce qui prouve d’ailleurs que, si nous avons tendance à trouver assez facilement des idées de sujets, leur mise en œuvre est souvent beaucoup plus délicate : écrire demande du travail, même lorsqu’on écrit sur des sujets que nous adorons –.
Si Why est très réactif, en nous proposant régulièrement des chroniques de films à peine sortis au cinéma – voire en avant-première totale –, il est également le spécialiste des chroniques-maelstrom représentant un sacré défi pour le lecteur. En 2012, après avoir visionné Temple Grandin, il nous proposait ainsi un très bel article sur la représentation de l’autisme au cinéma. Qui joue en première base ? est une sorte d’anthologie de l’autisme au cinéma, entrecoupé d’informations sur ce handicap. Et si vous avez apprécié cet article, je ne peux que vous recommander son Éloge de la folie, écrit dans la même veine, qui fourmille de références réjouissantes et d’informations fascinantes.
Notre Monsieur Cinéma nous fait ainsi régulièrement découvrir de véritables pépites. Sur ses conseils avisés, je suis allée voir Alabama Monroe, véritable coup de cœur de l’année 2013. Une histoire bouleversante, un casting impeccable et une bande-son sublime composent ce petit chef d’œuvre belgo-néerlandais qui remporta le César du meilleur film étranger 2014. Inutile de préciser que Marie et moi ne sommes pas ressorties indemnes – ni les yeux secs – de la salle de cinéma.
Pour continuer sur une note plus joyeuse – et plus sportive –, Arsenio Iglesias délaisse parfois sa monomanie pour la culture ibère pour nous proposer des articles farfelus stimulant nos zygomatiques ou des thématiques peu explorées. Dans son article Les reines de l’ovale, il nous propose ainsi de plonger dans l’univers du roller derby, sport de contact exclusivement féminin qui s’est exporté jusque dans nos contrées bordelaises grâce à l’équipe locale Les Petites Morts.
Et puisqu’on parle féminité et sport de contact, pourquoi ne pas aborder le goût de notre ancien rédacteur Matthias pour les œuvres traditionnellement réservées aux fillettes ? On l’a déjà dit sur Mandorine, le rose bonbon et les paillettes ne sont pas l’apanage des femmes – qui ont tout à fait le droit de préférer le bleu et les petites voitures, ou les rollers et les genouillères –. C’est ainsi que Matthias s’attaqua à l’analyse du phénomène My Little Pony, et me donna presque envie de regarder quelques épisodes de cette série rose bonbon qui, de loin, me semblait dégoulinante de mièvrerie et de bons sentiments. Sacré challenge quand on connait mon goût pour l’humour et la couleur noirs.
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Félicitations, vous êtes arrivés à la fin de ce pavé d’auto-célébration ! Je ne peux que vous inciter à aller lire les articles cités dans cette chronique que vous auriez loupés, ainsi qu’a explorer les archives de Mandorine, vous pourriez y trouver des pépites que nous aurions oubliées. Cela peut aussi être l’occasion pour vous de nous proposer vos articles préférés de notre webzine, n’hésitez pas à les poster dans les commentaires, cela nous fera très plaisir ! Il ne nous reste plus qu’à vous remercier, vous lecteurs, de votre fidélité, en espérant que vous continuerez à nous lire pour au moins une année supplémentaire.